DÉCORATIONS DES VAINQUEURS
DE LA BASTILLE

 

 

 

 

 

 

HISTORIQUE & MODALITÉS D’ATTRIBUTION

 

 

Dans l’histoire de la Révolution française, la journée du 14 juillet de l’été de 1789 est une date essentielle et l’un des événements les plus marquants de notre histoire nationale. La prise de la Bastille, symbole de l’absolutisme, aura une considérable répercussion nationale et internationale et, plus de deux siècles après cet événement, nous la célébrons encore chaque année en tant que fête nationale.
Le matin du 14 juillet 1789, des miliciens se rendirent aux Invalides, s’emparèrent de 30 000 fusils et apprirent que la poudre et les balles étaient entreposées à la forteresse de la Bastille. Ce fut vers 13 heures que commencèrent les événements, lorsque des manifestants s’emparèrent du premier pont-levis de la forteresse, mais furent bloqués à hauteur du second.

Peu de temps après, le sous-lieutenant Élie, venant des Invalides à la tête d’une colonne de volontaires armés et équipés de deux canons et d’un mortier, se joignit à l’ex-adjudant Hulin, arrivé de l’Hôtel de Ville avec un détachement des gardes-françaises. Leurs troupes parvinrent à menacer la grande porte de la forteresse en plaçant leurs deux canons près de celle-ci.
En voyant le danger, monsieur de Launay, gouverneur de la Bastille, décidait vers 17 heures de capituler.
La Bastille était tombée en quatre heures, l’action faisant 98 victimes et 73 blessés.
Pour commémorer cet événement historique, la Commune de Paris attribua aux « vainqueurs de la Bastille », une récompense sous la forme de deux médailles spécifiques.

 

 

LA MÉDAILLE D’OR COMMUNALE DES GARDES-FRANÇAISES

 

Le Comité militaire de l’Assemblée communale de Paris, demanda le 5 août 1789, qu’il soit attribué une médaille d’or communale en faveur des gardes-françaises et des militaires ayant participé à cet événement historique.
Cette médaille fut créée par l’arrêté du 1er septembre 1789 et remise à chaque titulaire accompagnée d’un brevet d’attribution. Mais le port de cette décoration sera interdit par le décret du 18 novembre 1793, qui demanda aux citoyens titulaires de déposer sous huitaine, à leur municipalité, leur insigne et leur brevet.

 

 

LA COURONNE MURALE

 

L’on dénombra 849 vainqueurs de la Bastille qui ne firent pas partie des gardes-françaises. Une commission spéciale fut chargée par la commune de Paris de dresser la liste officielle des participants.
Finalement, ce fut à l’issue de plusieurs séances tenues entre le 22 mars et le 16 juin 1790, que fut arrêtée la liste définitive, qui porta à 954 le nombre des vainqueurs de la Bastille. Comme dans bien des cas similaires, il y eut quelques abus et des noms furent rajoutés au dernier moment...
Le 19 juin 1790, ces vainqueurs se virent accorder par l’Assemblée nationale diverses récompenses, dont une couronne murale, devant être appliquée sur l’habit au bras gauche ou sur le revers gauche, ainsi qu’un brevet honorable devant justifier leur titre de vainqueur de la Bastille.
Le premier modèle de cette Couronne Murale sera fait d’une couronne brodée cousue sur l’habit ; mais rapidement, les titulaires qui considéraient que cette couronne était une décoration, feront réaliser un insigne portable en bronze.
Le port de cette décoration sera interdit par l'article 9 du décret du 20 août 1793 de la Convention nationale : « La Convention nationale abolit la distinction d'une couronne murale accordée aux vainqueurs de la Bastille, et ordonne que la médaille du 10 août sera distribuée à chacun d'eux en reconnaissance de leur dévouement à la liberté. ».

 

En 1832, les vainqueurs de la Bastille, obtiendront que l’administration des monnaies, effectue une nouvelle frappe limitée de leurs insignes, avec une médaille des gardes-françaises réalisée en cuivre doré et non plus en or, et une couronne murale en bronze non doré et aux tours non ajourées.
Du côté des monarchistes, voici ce que le colonel baron de Nerciat, royaliste bon teint, pensait de ces deux premières décorations républicaines : « Cette multitude délirante et féroce, qui, depuis plus de deux ans, déchire impitoyablement le sein de sa patrie, la " Nation de France " en un mot, ne se fût pas plutôt signalée par son exploit, la prise de la Bastille, qu’elle consacra, par une décoration prétendue militaire, l’époque de ce mémorable événement. Les brigands, soi-disant citoyens et soldats, qui figurèrent à ce lâche assaut, ont conservé le titre ridiculement pompeux de " vainqueurs de la Bastille " et l’on voit suspendue devant eux, par un ruban à trois couleurs dont l’assemblage est devenu odieux au vrai français, une médaille dont ils s’enorgueillissent. On prétend que cet impudent abus de l’illustration n’a pas peu contribué, dans le temps, à échauffer les têtes et à convertir en fantômes de guerriers ces innombrables " plébeyens " qui portent maintenant les armes contre le Monarque lui-même, contre les ordres qui, pendant tant de siècles, avaient été les appuis du Trône Français ! »

 

 

 

BÉNÉFICIAIRES

 

 

La Médaille d’Or Communale des Gardes-françaises récompensait les 64 hommes des deux sections du 3e bataillon du régiment des gardes-françaises, ainsi qu’une quarantaine de soldats isolés appartenant à d’autres compagnies de ce régiment ou venant d’autres unités.

 

La Couronne Murale récompensait les vainqueurs de la Bastille « en état de porter les armes » qui ne firent pas partie des gardes-françaises mais qui, pour la plupart d’entre eux, appartenaient à la milice bourgeoise composée de volontaires armés.

 

 

 

CARACTÉRISTIQUES

 

 

RUBANS

 

 

Les deux insignes furent portés suspendus à des rubans aux caractéristiques diverses.
Cependant, l’arrêté du 1er septembre 1789 définit celui de la médaille des gardes-françaises, comme étant aux couleurs de la ville de Paris, avec deux larges bandes verticales, une bleue et une rouge, et de chaque côté un liseré blanc.

 

 

INSIGNES

 

 

LA MÉDAILLE D’OR COMMUNALE DES GARDES-FRANÇAISES

 

Médaille en forme de losange de 32 mm de hauteur sur 21 mm de largeur, aux angles pommetés.

Sur l’avers    : des attributs brisés de geôlier, constitués par une chaîne coupée pendant d’un anneau,
                      surmontant deux boulets et un cadenas ouvert rattaché au reste de la chaîne.
                      L’ensemble était entouré par l’inscription  LA  LIBERTÉ  CONQUISE  LE  14  JUILLET  1789.

Sur le revers : une épée, la pointe dirigée vers le haut, passait au centre d’une couronne mi-chêne,
                      mi-laurier; l’ensemble étant entouré par un vers en latin du poète Lucain
                      IGNORANT  NE  DATOS  NE  QUISQUAM  SERVIAT  ENSES  traduisible
                      par « Ignorent-ils que les armes ont été données contre la servitude ».

 

 

LA COURONNE MURALE

 

C’était un petit insigne, en bronze parfois doré, en forme de couronne uniface composée par cinq tours crénelées et reliées entre elles par une muraille.
Certains des titulaires firent graver au revers l’inscription :
RÉCOMPENSE NATIONALE DÉCERNÉE A MONSIEUR... VAINQUEUR DE LA BASTILLE 1790.

 

 

 


 

 

 

TEXTES OFFICIELS

( Liste non exhaustive )

Source :
Bibliothèque nationale de France

 

 

N° 171 - DÉCRET du 19 juin 1790
concernant les vainqueurs de la Bastille

Bulletin annoté des Lois, Décrets et Ordonnances - Tome 1 - 1834 - Page 135

 

ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

 

L'assemblée nationale, frappée d'une juste admiration pour l'héroïque intrépidité des vainqueurs de la Bastille, et voulant leur donner, au nom de la nation, un témoignage public de la reconnaissance due à ceux qui ont exposé et sacrifié leur vie pour secouer le joug de l'esclavage et rendre leur patrie libre.

— Décrète qu'il sera fourni, aux dépens du trésor public, à chacun des vainqueurs de la Bastille en état de porter les armes un habit et un armement complets, suivant l'uniforme de la nation ; que sur le canon du fusil, ainsi que sur la lame du sabre, il sera gravé l'écusson de la nation avec la mention que ces armes ont été données par la nation à tel, vainqueur de la Bastille, et que sur l'habit il sera appliqué, soit sur le bras gauche, soit à côté du revers gauche, une couronne murale ; qu'il sera expédié à chacun desdits vainqueurs de la Bastille un brevet honorable, pour exprimer leur service et la reconnaissance de la nation, et que dans tous les actes qu'ils passeront il leur sera permis de prendre le titre de vainqueur de la Bastille.

— Les vainqueurs de la Bastille en état de porter les armes feront tous partie des gardes nationales du royaume ; ils serviront dans la garde nationale de Paris : le rang qu'ils doivent tenir sera réglé lors de l'organisation des gardes nationales.

— Un brevet honorable sera également expédié aux vainqueurs de la Bastille qui ne sont pas en état de porter les armes, aux veuves et aux enfans de ceux qui sont décédés, comme monument public de la reconnaissance et de l'honneur dus à tous ceux qui ont fait triompher la liberté sur le despotisme.

— Lors de la fête solennelle de la confédération du 14 juillet prochain, il sera désigné, pour les vainqueurs de la Bastille, une place honorable, où la France puisse jouir du spectacle de la réunion des premiers conquérans de la liberté.

— L'assemblée nationale se réserve de prendre en considération l'état de ceux des vainqueurs de la Bastille auxquels la nation doit des gratifications pécuniaires, et elle les leur distribuera aussitôt qu'elle aura fixé les règles d'après lesquelles ces gratifications doivent être accordées à ceux qui ont fait de généreux sacrifices pour la défense des droits et de la liberté de leurs concitoyens.

— Le tableau remis par les vainqueurs de la Bastille, contenant leur nom et celui des commissaires choisis parmi les représentans de la commune qui ont présidé à leurs opérations, et qui sont compris dans le présent décret avec les vainqueurs, sera déposé aux archives de la nation, pour y conserver à perpétuité la mémoire de leurs noms, et pour servir de base à la distribution des récompenses honorables et des gratifications qui leur sont assurées par le présent décret.

 

 

 


 

 

 

DÉCRET du 25 juin 1790
à l'occasion de l'abandon fait par les Volontaires de la Bastille,
des distinctions à eux accordées par le décret du 19 juin

Collection générale des Décrets rendus par l'Assemblée nationale - Juin 1790 - Page 136

 

ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

 

L'Assemblée nationale, touchée du noble patriotisme des braves Citoyens qui ont contribué à la prise de la Bastille le 14 juillet, accepte leur renonciation aux distinctions qui leur avoient été accordées par le décret du 19 de ce mois. Elle décrète de plus qu'il sera fait, dans le procès-verbal, une mention honorable de leur généreux sacrifice.

 

 

 


 

 

 

DÉCRET du 20 août 1793
qui ordonne qu'il sera frappé une médaille
pour perpétuer le souvenir de la réunion républicaine du 10 août,
pour l'acceptation de la constitution

Décrets (Convention nationale) - Imprimerie nationale 1793 - N° 322 - Page 3

 

 

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'instruction publique, décrète ce qui suit :

Art. 1er. — Il sera frappé une médaille pour perpétuer le souvenir de la réunion républicaine du 10 août, pour l'acceptation de la constitution.

Art. 2. — Cette médaille aura deux pouces de diamètre. Elle présentera, sur une des faces, la figure de la Nature, et la scène touchante de la régénération. Sur l'autre face on verra l'arche de la constitution et le faisceau, symbole de l'unité et de l'indivisibilité, avec ces mots : "Constitution, acceptée individuellement par les Français, et proclamée le 10 août 1793, l'an deuxième de la République une et indivisible."

Art. 3. — Le citoyen Dupré, graveur-général des monnoies de la République, est chargé de l'exécution de cette médaille.

Art. 4. — Cette médaille sera frappée en bronze et ne pourra jamais l'être ni en or ni en argent.

Art. 5. — Elle sera envoyée à tous les commissaires des assemblées primaires, et distribuée aux membres de la Convention nationale.

Art. 6. — Après la distribution, les coins en seront déposés aux archives nationales.

Art. 7. — Il est défendu à tous citoyens de porter cette médaille en signe de décoration.

Art. 8. — Les coins des médailles frappées pour la fédération de 1790 seront brisés. Aucun citoyen ne pourra porter ces médailles comme décoration, sous peine d'être regardé comme traître à la République.

Art. 9. — La Convention nationale abolit la distinction d'une couronne murale accordée aux vainqueurs de la Bastille, et ordonne que la médaille du 10 août sera distribuée à chacun d'eux en reconnoissance de leur dévouement à la liberté.

 

 

 


 

 

 

DÉCRET de renvoi du 20 août 1793
relatif aux médailles de la République

Décrets (Convention nationale) - Imprimerie nationale 1793 - N° 322 - Page 4

 

 

La Convention nationale charge ses comités d'instruction publique et des assignats-monnoies d'examiner s'il seroit utile de donner une valeur monétaire aux médailles de la République, et spécialement à celles du 10 août, et de lui faire un rapport sur cet objet.

 

 

 


 

 

 

DÉCRET du 18 novembre 1793

 

 

« La Convention nationale décrète (1) que tous les citoyens ci-devant décorés de la croix de Saint-Louis ou autres décorations, qui ne les auront pas déposées à leur municipalité, avec les titres de ces ci-devant décorations, dans le délai de huit jours après la publication du présent décret, seront suspects par le fait ; et les municipalités, comités révolutionnaires et autres autorités sont chargées, sous leur responsabilité, de les faire arrêter (2). »

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Source : Texte du décret et notes complémentaires tirées de la Collection complète des "Archives parlementaires de 1787 à 1860" - Tome 79 - page 447 - Paris 1911.

(1) Ce décret a été rendu sur la motion de Merlin ( de Thionville ), d'après la minute qui existe aux Archives nationales, carton C 277.

(2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 310.

Le Mercure universel [ 29 brumaire an II ( mardi 19 novembre 1793 ), p. 298, col. 2 ], l'Auditeur national [ n° 423 du 29 brumaire an II ( mardi 19 novembre 1793 ), p. 3 ] et le Journal de la Montagne [ n° 5 du 29e Jour du 2e mois de l'an II ( mardi 19 novembre 1793 ), p. 46, col. 2 ] rendent compte de la proposition qui donna lieu à ce décret :

Compte rendu du Mercure universel : Rühl dépose sur le bureau plusieurs croix de Saint-Louis et annonce qu'il n'a rien négligé dans sa mission pour faire démolir tous les châteaux, en exécution d'un décret. Il demande que les ci-devant chevaliers et nobles soient tenus sous un mois, de déposer à leurs municipalités respectives leurs croix de Saint-Louis. Merlin, en joignant son vœu à cette motion, demande que les chevaliers et ci-devant nobles soient tenus, en même temps, de déposer leurs lettres et titres. Ces deux propositions sont décrétées.

Compte rendu de l'Auditeur national : Rühl, en rendant compte de sa mission dans le département de la Haute-Marne, annonce qu'il est chargé de déposer sur le bureau deux croix dites de Saint-Louis, que lui ont remises d'anciens militaires. Il observe, à cet égard, qu'il a remarqué que c'était avec peine que les militaires se dépouillaient ainsi de leurs croix et qu'ils semblaient mettre un grand prix à leur offrande. Il a, en conséquence, demandé qu'il fût rendu un décret portant que les militaires qui, dans le délai de huit jours, à compter de la publication du décret, n'auraient pas remis leurs croix, seraient regardés comme suspects et mis en état d'arrestation. Cette proposition a été décrétée.

Compte rendu du Journal de la Montagne : Rühl remet quelques croix qui lui ont été envoyées. Quoiqu'à l'époque de la Révolution ces sortes de décorations fussent déjà dégradées dans l'opinion et qu'il fût presque aussi humiliant de les obtenir que de ne pas les obtenir, il observe que quelques hommes y tiennent encore et croient beaucoup abandonner en sacrifiant un hochet qui leur était commun avec des espions de police et des proxénètes. Il demande que ceux qui ne s'en seront pas défaits sous huitaine soient déclarés suspects et traités comme tels. ( Adopté. )

 

 

 

 

 


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