MÉDAILLE COLONIALE
Source :
Bibliothèque nationale de France
JOURNAL OFFICIEL |
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Trente-deuxième année. — N° 338. Jeudi 13 décembre 1900 - Page 8213. |
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Ministères de l'instruction publique et des beaux-arts et des colonies.
MISSION FOUREAU-LAMY
1° Compte rendu sommaire sur la marche de la mission, de Ouargla au lac Tchad, par M. F. Foureau, chef de la mission ; Paris, le 27 novembre 1900. Monsieur le ministre, En attendant le rapport d'ensemble que je prépare sur la mission qui m'a été confiée, conjointement avec le regretté commandant Lamy, par votre département, le 5 mars 1898, j'ai l'honneur de vous en adresser, suivant le désir que vous m'en avez exprimé, un compte rendu sommaire. Ce compte rendu s'étend depuis le jour où la mission a quitté Ouargla jusqu'au jour où, au sud-est du Tchad, elle a rencontré la mission Afrique centrale, commandée par le lieutenant Joalland. A ce moment, conformément aux instructions du Gouvernement que j'avais trouvées à Zinder, ma mission prenait fin et le commandant Lamy, avec l'escorte militaire qui m'avait accompagné, passait au service du ministre des colonies. J'aurai prochainement l'occasion de rendre un public hommage à mon regretté compagnon, à ses officiers et à ses hommes. Je tiens à vous dire ici que leur énergie a été à la hauteur de toutes les difficultés et de toutes les épreuves. Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux. Le chef de la mission saharienne, F. FOUREAU. I Le 23 octobre 1898, la mission quitte Ouargla. Son effectif, emprunté aux différents corps de troupes d'Algérie, comprend 277 fusils réguliers qui se décomposent ainsi qu'il suit : 1er tirailleurs algériens................. 212 Tirailleurs sahariens.................... 5l Spahis algériens......................... 13 Maréchal des logis d'artillerie..... 1 Le convoi comporte 1,000 chameaux. La mission arrive à Timassanin le 18 novembre, et atteint, le 29, le puits de Tabelbalet, sur le territoire des Touaregs-Azdjers. Le 3 décembre, elle campe au puits d'Aïn-el-Hadjadj ; le 20, elle atteint celui de Tighammar et enfin, le 1er janvier 1899, celui d'Afara, en plein territoire azdjer. Cette marche s'est opérée sans incidents, malgré les difficultés de la route. Ne pouvant se procurer aucunes provisions, la mission se nourrit avec les vivres dont elle s'est approvisionnée au départ. Comme viande, elle emploie la chair des chameaux trop fatigués pour rendre encore des services. Le 8 janvier 1899, départ vers Tadent, situé non loin de la route directe de l'Aïr à Ghât. C'est durant ce séjour à Tadent qu'une reconnaissance du puits où a été assassiné le colonel Flatters au printemps de 1881, est organisée sous l'escorte des Chamba qui ont amené à la mission un convoi d'Ouargla. Un rapport a été envoyé par le commandant Lamy à M. le général commandant le 19e corps, au mois de janvier 1899, sur cette reconnaissance. Le 27 janvier, reprise de la marche en avant. La traversée de la Hamada (274 kilomètres), malgré la surcharge des chameaux qui doivent emporter leur propre fourrage et jusqu'au bois nécessaire à la cuisson des aliments, s'opère en sept jours. Tout le monde a marché à pied. Les chevaux des officiers et des spahis algériens sont affectés aux quelques malades de la caravane ou au transport des charges que les chameaux exténués ne sont plus capables de supporter. Le 2 février, le puits d'In-Azaoua est atteint. Le personnel et le matériel sont au complet. Seules, les bêtes de somme sont épuisées par l'effort considérable qui leur a été demandé. Elles meurent en grand nombre, sans qu'il soit possible de les soigner efficacement. A In-Azaoua, la mission reçoit son dernier convoi de ravitaillement et son dernier courrier. Après quelques jours de repos, elle reprend sa marche vers l'Aïr, renforcée par le détachement de spahis sahariens qui a escorté le convoi. Elle laisse une section à In-Azaoua pour garder le matériel et les provisions qu'elle ne peut emporter faute de chameaux. Une redoute est construite en ce point placé au milieu d'une région désertique de plusieurs centaines de kilomètres. Le 17 février, la mission arrive au puits de Taghasi et, le 24, elle s'installe à Iferouane, le premier village de l'Aïr. Des pourparlers sont engagés avec les indigènes pour acheter des vivres frais, de la viande et louer des chameaux qui pourraient aller chercher le personnel et le matériel laissés à In-Azaoua et assurer ensuite le transport de la mission jusqu'à Zinder. Les loueurs de chameaux sont des nomades, les Kéloui ; et on assure à la mission qu'ils sont en ce moment au Soudan. Pourtant un chef touareg se présente au camp et promet de louer 400 chameaux pour aller à In-Azaoua. Cette promesse est tenue quelques jours après ; mais les animaux sont montés par des combattants accompagnés de nombreux guerriers à pied. Cette troupe vient tout simplement attaquer le camp protégé par une faible portion de l'effectif, le reste de l'escorte étant chargé de la garde des chameaux qui sont au pâturage à 25 ou 30 kilomètres dans l'ouest, les environs immédiats d'Iferouane ne pouvant fournir aucune nourriture. Cette agression inattendue est repoussée sans aucune perte à déplorer de notre côté. Renonçant à l'espoir d'y trouver des chameaux, le commandant Lamy quitte Iferouane, le 16 mars, avec une centaine d'hommes et tous les animaux. Il atteint In-Azaoua, sans incident, le 26 mars, en repart le soir même avec tout ce qu'il peut enlever, brûlant les vivres et le matériel que le manque de chameaux l'empêche d'emporter. Il est de retour à Taghasi, le 1er avril, y laisse une vingtaine de charges de marchandises qu'il est impossible de transporter plus loin et rentre à Iferouane, le 7 avril, ayant parcouru 517 kilomètres en vingt-deux jours. Tout le personnel est au complet, mais les animaux continuent à mourir. Du 13 au 21 avril, un détachement va rechercher à Taghasi les charges qui ont été cachées quelques jours auparavant. Ce mouvement n'est entravé par aucun incident. Les Touaregs, instruits par leur défaite du 12 mars, ne se montrent plus. Ils se bornent à faire le vide autour de la mission. Toutes les démarches pour se procurer des chameaux sont vaines. Les Kéloui, auxquels la mission prête son assistance pour les débarrasser d'un ghazi des Touaregs Taïtok qui vient pour les piller, promettent toujours des chameaux, mais ne les procurent pas. Ils deviennent de plus en plus insaisissables. La situation reste inquiétante. Les vivres vont faire défaut à Iferouane. Il est donc décidé qu'on quittera Iferouane à tout prix. Le 25 mai, le gros de la mission reprend sa marche vers le sud, dans la direction d'Aguellal, à 50 kilomètres environ au sud-sud-ouest d'Iferouane. Elle y arrive le 26. Le village qui avait organisé l'attaque dirigée contre la mission au mois de mars est abandonné par ses habitants. Des reconnaissances entreprises dans les environs parviennent à réunir des vivres, un assez nombreux troupeau de bœufs, des ânes et des chameaux qui constituent des provisions de bouche pour quelques semaines, et un lot de bêtes de somme. Du 5 au 11 juin, le commandant Lamy retourne à Iferouane avec tous les animaux, afin de conduire à Aguellal le personnel et le matériel laissés dans le premier village de l'Aïr. De même qu'à In-Azaoua, la nécessité s'impose, par suite du manque de moyens de transport, de brûler du matériel, des marchandises, des vivres de réserve, tous les bagages personnels des officiers, les tentes et les effets de réserve des hommes. Les Touaregs ont préparé, durant ces opérations, un grand ghazi contre la mission. Le 14 juin, le commandant Lamy, étant en reconnaissance, est attaqué par ce ghazi qu'il défait à Guettara. Ne pouvant se procurer des vivres suffisants, la mission quitte Aguellal, après avoir anéanti encore une partie de son matériel. Elle atteint le village d'Aoudéros le 6 juillet. L'accueil de la population sédentaire est assez bienveillant, mais les nomades persistent à fuir la mission et à la mettre ainsi dans l'impossibilité absolue de se pourvoir de bêtes de somme. La mission étant essentiellement pacifique, elle entend ne recourir à aucun moyen violent, si ce n'est dans le cas de légitime défense ou d'extrême nécessité. Elle quitte donc Aoudéros pour gagner Agadès, où elle arrive le 28 juillet 1899. Le sultan et les habitants, prévenus des sentiments pacifiques de la mission, l'accueillent sans malveillance accusée. Les chaleurs sont extrêmement fortes ; mais des orages surviennent qui font espérer que l'eau ne sera plus aussi rare. Il est alors décidé que la mission profitera des circonstances pour gagner le Damergou et elle quitte Agadès le 1er août. Dès la première étape, on constate le manque d'eau, sinon pour les hommes, qui en trouvent quelques gouttes dans les puits, du moins pour les animaux qu'on ne peut abreuver. Cette situation se complique de la trahison du guide et d'erreurs de route de la part des guides qui lui succèdent. Il devient indispensable de revenir sur ses pas et de rallier Agadès. Le 19 août, au petit jour, la mission reprend ses cantonnements d'Agadès et entame de nouveau, pour la location de 200 chameaux, des pourparlers qui se prolongent jusqu'au commencement d'octobre. Les chameaux de location n'étant pas fournis, sous divers prétextes, la mission déclare au sultan que, s'il ne tient pas ses promesses dans les délais fixés, elle empêchera la population de se servir des puits. Cette menace, mise à exécution pendant quelques jours, a pour résultat d'obtenir enfin les chameaux nécessaires. Le lendemain même, 17 octobre, la mission se trouvant pourvue des animaux qui lui sont strictement indispensables, quitte Agadès pour la seconde fois. Elle pénètre, le 28 octobre, dans les premiers villages du Damergou, où elle reçoit le meilleur accueil, et entre à Zinder le 2 novembre, dans la matinée. A Zinder, la mission trouve une garnison de 100 Sénégalais laissés par les lieutenants Joalland et Meynier, ancienne mission Voulet, qui, eux-mêmes, ont continué leur route vers le Tchad. Les démarches pour location de chameaux continuent. Le 19 novembre, le commandant Lamy part pour la région de l'Ouest avec une moitié de l'escorte, dans le but de ramener à la raison quelques chefs se refusant à l'obéissance. Il livre quelques combats, obtient la soumission de tous, et revient, le 23 décembre, avec environ 300 chevaux, tribut et amendes des révoltés. D'autre part, la mission avait obtenu des Kéloui les chameaux suffisants pour continuer le voyage. Les dépêches reçues du ministère de l'Instruction publique autorisant le chef de la mission à poursuivre sa route suivant les données du programme primitif, ordre est donné de prendre la direction de l'Est. Le 27 décembre, le commandant Lamy, avec la moitié de l'escorte, se met en marche en premier échelon, le second échelon ne quittant Zinder que le 29. La mission traverse un certain nombre de villages dans l'est de Zinder, puis, le 9 janvier 1900, les deux échelons, réunis à nouveau, continuent désormais leur marche de conserve. Elle arrive ainsi vers la fin de janvier au lac Tchad dont elle suit les rives à l'ouest et au nord en touchant aux lieux-dits Woudi, Néguigmi, Kologo, etc.. etc. A partir de Kologo, elle quitte les bords immédiats du Tchad pour se diriger vers le Kanem. Elle arrive, le 18 février, à Déguénemdji, où elle trouve le lieutenant Joalland venu à sa rencontre. De ce dernier point, des marches rapides de cinq jours la portent, le 24, au campement de la mission Afrique centrale, sur le bord du Chari, en face de Goulffei. A partir de ce moment, le commandant Lamy et l'escorte de la mission relèvent du commissaire du Gouvernement Gentil et du ministère des Colonies. Pendant les dix-sept mois qu'a duré cette campagne pacifique, l'escorte de la mission a souffert héroïquement toutes les misères et supporté toutes les privations. L'une de ses plus cruelles tortures a été la nécessité de détruire elle-même les ressources de toute sorte dont elle disposait. Elle peut en tout cas revendiquer, à titre de compensation, l'honneur d'avoir rapporté intact le drapeau que le gouvernement de la République lui avait confié et dont le souvenir pour les populations au milieu desquelles il a flotté demeurera comme un emblème de droiture et de loyauté. II RAPPORT adressé à M. le ministre des colonies sur les opérations militaires contre Rabah et sur les marches de retour de la mission saharienne, par le chef de bataillon Reibell, commandant l'escorte de la mission. 22 février-22 mai 1900. — Opérations contre Rabah. Dès qu'il est installé, selon les instructions du capitaine Robillot, sur la rive droite du Chari, en face de Goulffei, le détachement de Soudanais de la mission « Afrique centrale » commence sur la rive opposée du fleuve une série de reconnaissances destinées à assurer sa sécurité. Ces coups de main, parmi lesquels on doit citer celui dirigé par le sergent Suley Taraoré, le 17 février 1900, sur la petite place de Mara, et celui du sergent Boubou Taraoré, préparés dans le plus grand secret, sont très habilement et très vigoureusement exécutés par ces deux sous-officiers qui méritent d'être félicités pour l'intelligence qu'ils ont déployée et la vigueur dont ils ont fait preuve. Mais Rabah a fait occuper par des détachements importants les places de Goulffei, Koucheri et Karnak-Logone, de façon à intercepter la navigation du Chari à la mission Gentil, dont la flottille dans le haut fleuve va se mettre en route pour venir nous rejoindre. Dans le but de dégager le cours du fleuve, le commandant Lamy décide de porter les deux missions sur la rive gauche du Chari, puis de tomber sur la place de Koucheri, qui commande le confluent du Chari et du Logone, et que les renseignements lui signalent comme moins bien défendue et plus accessible que celle de Goulffei, où se trouve Fadel-Allah, fils aîné de Rabah. Le mouvement commence le 26 février 1900 par le passage, sans incident, du Chari à Mara ; cette opération, facilitée par un simulacre d'attaque sur Goulffei, nous demande près de trente-six heures pour faire passer les chevaux et les chameaux du convoi. Elle réussit pleinement. Des reconnaissances exécutées les jours suivants, toujours dans la direction du nord, et sur les deux rives du fleuve, ont pour but de tromper l'ennemi sur notre objectif et de lui faire croire que nous allons prendre Goulffei à revers. Le 2 mars, les deux missions quittent subitement Mara et viennent prendre position à quelques kilomètres au nord de Koucheri. Dans l'après-midi, un détachement, commandé par le lieutenant Britsch, de la mission saharienne, va reconnaître les abords de la ville et prendre contact avec l'ennemi. Cette reconnaissance, très intelligemment exécutée par le lieutenant Britsch, permet au commandant d'arrêter ses dernières dispositions. Le 3 mars, à la première heure, une colonne de combat comprenant 250 fusils de la mission saharienne et 115 fusils de la mission Afrique centrale, plus deux canons, l'un de 80 millimètres et l'autre de 42 millimètres, quitte le camp dans lequel sont laissés tous les bagages, les réserves de munitions, le troupeau, tous les chevaux et les chameaux gardés par cent hommes, commandés par le capitaine Reibell, auquel incombe la tâche ingrate, mais non sans danger, d'assurer les derrières de la colonne et de lui servir de point d'appui. Vers huit heures un quart du matin, la colonne de combat arrive en vue du rempart de la ville de Koucheri que l'on distingue vaguement au milieu des buissons et des bois qui l'entourent. Quelques coups de feu partis du haut de la muraille saluent la colonne dès qu'elle se montre hors des bois. Elle est formée en ligne de colonnes de compagnies à demi-intervalle de déploiement : la compagnie de droite, sous le commandement du lieutenant Rondeney, comprend les 4e, 5e et 6e sections de la mission saharienne ; la compagnie de gauche, les tirailleurs soudanais sous les ordres du lieutenant Meynier ; la colonne du centre, les 3e, 2e et 1re sections de la mission saharienne et les deux pièces de canon, sous les ordres directs du commandant Lamy. La 3e section, sous les ordres du lieutenant Oudjari, se déploie et gagne, au milieu des buissons, du terrain en avant, pendant que l'artillerie, déchargée des mulets et des chameaux, se met en batterie, la pièce de 42 millimètres commandée par le lieutenant de Chambrun à droite, la pièce de 80 millimètres, sous les ordres du capitaine Joalland, à gauche. On n'est qu'à environ 300 mètres des murs de la place. Une porte se distingue à l'extrémité du chemin que l'on suit : la muraille, à quelques mètres de la porte, semble en mauvais état et paraît déjà ébréchée. Le feu de l'artillerie est immédiatement ouvert sur la droite de la porte, d'où partent d'assez nombreux coups de feu. Les deux pièces avancent par bonds successifs, sous la protection de la 3e section, jusqu'à une centaine de mètres de la muraille, que l'on bat en brèche ; des tireurs choisis dans chacune des sections surveillent le haut du rempart et le rendent intenable aux défenseurs. Quelques obus allongés font ébouler une partie de la muraille ; le feu de la défense se ralentit, un dernier bond est exécuté et l'on se trouve au pied même du rempart qui n'est pas flanqué ; les deux canons sont à quelques mètres de la porte ; des bombes confectionnées avec des pétards de mélinite sont envoyées par-dessus la muraille ; quelques gradés parviennent à se hisser en haut du rempart et ouvrent le feu dans l'intérieur de la place, pendant qu'on rend la brèche plus praticable avec les outils portatifs et que l'on essaie de faire sauter la porte en bois très dur et très massif. Une grêle de projectiles, partie des maisons de la ville, accueille les premiers hommes qui ont gravi la brèche ; néanmoins, à la sonnerie de la charge, les tirailleurs, se poussant les uns les autres, escaladent la brèche, atteignent le haut de la muraille et ouvrent un feu bien ajusté sur les défenseurs du rempart qui, se voyant pris à revers, commencent à se débander et à fuir au milieu des maisons de la ville. Le lieutenant Oudjari, un des premiers montés sur le rempart, rassemble les hommes qui ont franchi la muraille et, à leur tête, se précipite, en suivant le pied de la fortification, jusque sur les premières maisons du village, le traverse sans s'y arrêter et vient prendre position à l'autre extrémité de la place sur le rempart qui domine la rivière Logone, à travers laquelle fuient les défenseurs de Koucheri. Mais la rivière est large et n'est pas partout guéable, aussi un grand nombre de fuyards sont-ils tués et noyés. Pendant ce temps le capitaine Joalland, quittant ses fonctions d'artilleur, prend le commandement du peloton de douze spahis soudanais et se 1ance à la poursuite des ennemis qui auraient pu fuir par le lit même de la rivière Logone ; ce mouvement est appuyé par la colonne de droite : 4e, 5e et 6e sections de la mission saharienne ; l'interprète auxiliaire Abdoul Sall enlève un étendard à un groupe de soldats en fuite. Toutes les sections passent les unes après les autres par la brèche, finissent par enfoncer la porte de façon à pouvoir faire entrer les pièces de canon, qui restent en réserve près de l'entrée de la ville avec une section de Soudanais, pendant que tout le reste de la colonne, après avoir traversé la ville au pas de course, vient garnir le rempart au-dessus du Logone et fusille les fuyards qui éprouvent des difficultés à franchir la rivière. Koucheri est pris, mais nous avons à regretter la perte de deux excellents tirailleurs algériens : Edjekouane Hocine Benarab et Daid Sadbem-Mansour, morts au champ d'honneur, et quelques blessures, d'ailleurs insignifiantes. Le soir, le convoi nous rejoint et les deux missions en entier s'installent au cantonnement dans les différents quartiers de la ville, dont la plus grande partie de la population n'a pas eu le temps de prendre la fuite. Cette opération fait le plus grand honneur aux officiers et aux hommes qui y ont pris part et qui ont tous déployé un sang-froid et un entrain remarquables. L'occupation de Koucheri mit la colonne en situation d'attendre dans de bonnes conditions l'arrivée des troupes du Chari, pourvu que la marche en avant de ces dernières ne fût pas trop lente. Mais il fallait bientôt lutter de nouveau pour conserver une position qui devait nous être disputée. Le 8 mars, dans l'après-midi, les nouvelles les plus contradictoires ayant été transmises au commandant Lamy, celui-ci décide dans la soirée d'envoyer une assez forte reconnaissance dans la direction du sud, jusqu'au village de Kabi, qui semble avoir été visité par les partisans de Rabah. La reconnaissance, comprenant 16 hommes par section de la mission saharienne, soit 96 fusils, et 30 tirailleurs soudanais qui ont déjà été au village de Kabi dans une reconnaissance antérieure, quitte Koucheri vers neuf heures du soir sous les ordres du lieutenant Rondeney et se dirige vers le sud. A environ 4 kilomètres de la place, elle est brusquement accueillie par une douzaine de coups de feu qui blessent assez gravement un tirailleur soudanais. Après une courte fusillade qui met en fuite ce parti ennemi, la reconnaissance s'arrête et couche en carré, prête à faire face à quelque attaque que ce soit. Le commandant Lamy prévenu donne immédiatement l'ordre au lieutenant de Thézillat de quitter Koucheri le lendemain, à quatre heures du matin, et d'aller avec 36 hommes montés, pris dans toutes les sections, renforcer la reconnaissance du lieutenant Rondeney. Ce détachement rejoint en effet la reconnaissance vers six heures et demie du matin et porte son effectif à 162 combattants. La marche en avant vers le sud continue, les hommes montés servant d'éclaireurs à la reconnaissance qui s'avance très péniblement et très lentement au milieu de taillis d'arbres épineux qui empêchent de rien distinguer à plus de 100 mètres. A un moment donné, le maréchal des logis Bonjean, en pointe avec quelques cavaliers, atteint la rive gauche du Logone et aperçoit, dans une éclaircie de la brousse, le long de la rivière, un groupe d'indigènes armés abreuvant des chevaux. Le lieutenant de Thézillat, commandant les éclaireurs, prévenu, fait exécuter un feu à volonté sur ces indigènes qui prennent la fuite. Le lieutenant Rondeney envoie le lieutenant Oudjari faire un mouvement enveloppant sur la droite, afin de couper la retraite à ces indigènes et de les rejeter dans la rivière qui n'est pas guéable. Le lieutenant Oudjari est en voie d'exécuter son mouvement, lorsqu'il reçoit une décharge nourrie qui lui tue un homme et lui en blesse plusieurs autres ; lui-même est légèrement atteint. En un instant, le feu devient très violent ; il part de tous les buissons, de tous les taillis sans qu'on puisse bien distinguer les ennemis invisibles qui vous fusillent à bout portant. Le lieutenant Rondeney, suivi par une réserve comprenant les spahis sahariens de la mission saharienne et la section de Soudanais, se porte en avant de façon à soutenir les sections engagées. L'ennemi démasque alors complètement sa position, et, profitant d'une énorme supériorité numérique et de la nature du terrain qui lui a permis de se laisser approcher presque sans être vu jusqu'à moins d'une centaine de mètres, dessine un mouvement enveloppant autour de notre troupe dont les rangs sont rompus par des taillis et des fourrés inextricables qui l'empêchent d'avancer en ordre. Le lieutenant Rondeney fait sonner le rassemblement, forme son détachement en carré et attend sous un feu violent que l'ennemi, qui s'excite au combat par des cris et des chants de guerre et par un tam-tam assourdissant, ait dessiné un mouvement qui lui permette de se jeter sur lui. Au bout de quelques minutes, les combattants ne sont plus qu'à quelques mètres les uns des autres ; mais les nègres n'osant pas se jeter sur cette petite troupe bien en ordre qui semble assister impassible à tout le vacarme qui l'environne et à la fusillade qui la décime, le lieutenant Rondeney fait tout d'un coup déployer trois faces du carré, sonner la charge et se jette avec tout son monde à corps perdu sur l'adversaire qui redouble un instant son feu, mais qui fuit bientôt épouvanté devant cette charge furieuse à laquelle il ne s'attendait pas. La section de Soudanais reste en réserve et est chargée de garder les morts et les blessés. En quelques bonds, nos tirailleurs électrisés par 1'exemple de leurs officiers dont deux sont blessés sur trois, sont sur les talons des nègres et peu après ils atteignent la lisière d'une clairière au milieu de laquelle est installé un vaste camp, dont on ne soupçonnait pas l'existence. Deux salves sont immédiatement exécutées sur la mase confuse qui s'agite devant nos hommes qui se précipitent ensuite la baïonnette en avant sur cette foule qui fuit éperdue dans tous les sens. Le camp est traversé au pas de course, la lisière sud est occupée et les dernières salves font disparaître cette masse armée dans les buissons et taillis qui s'étendent de toutes parts. La tente, les bagages, les munitions, le sabre de commandement du fils de Rabah tombent entre nos mains ; de nombreux cadavres recouvrent le sol. Mais nos pertes sont très sensibles : outre 2 officiers blessés presque dès le commencement de l'action, la reconnaissance a 2 hommes tués, 3 autres grièvement blessés et 25 autres plus ou moins gravement atteints. Dans l'après-midi, après que les morts et les blessés ont été évacués sur Koucheri sur les pirogues amenées à cet effet, la reconnaissance reprend sa marche en avant jusqu'au village de Kabi où l'ennemi aurait pu essayer de se reformer. Les soldats de Rabah ne s'y sont pas arrêtés, ils fuient plus loin vers le sud. La reconnaissance rentre le soir même à Koucheri. Les troupes des missions Saharienne et Afrique centrale ont enrichi à cette occasion les annales des colonies, déjà si riches en faits d'armes héroïques, d'une des plus belles pages qui puissent s'y voir et qui se résume en ceci : une poignée de braves soldats a, pendant deux heures, lutté au milieu de taillis et de fourrés impénétrables, contre un ennemi presque aussi bien armé qu'elle, mais à raison de un contre douze ou quinze assaillants, fanatisés par la présence du fils du plus farouche conquérant nègre de l'Afrique centrale. Le combat du 9 mars nous donnait du répit du côté de nos adversaires, mais les approvisionnements de Koucheri s'épuisaient rapidement. Nous étions menacés de la famine si nos camarades du Chari ne venaient au plus vite nous rejoindre et nous permettre de sortir d'une expectative énervante. Le commandant Lamy adressait à M. Gentil des appels pressants. Il mettait à sa disposition les moyens de transport susceptibles d'accélérer sa marche. Ainsi, le 22 mars, le lieutenant de Chambrun était envoyé à Koucheri au-devant des troupes du Chari, avec un convoi de 64 chameaux de bât, escortés par 15 hommes de troupe commandés par le sergent Belin, de la mission saharienne, et 15 convoyeurs indigènes. Le lieutenant de Chambrun avait l'ordre d'aller de sa personne jusqu'au point où il rencontrerait M. Gentil ; il devait laisser ses chameaux soit au capitaine de Lamothe à Macéré, soit au capitaine Robillot, là où il y aurait un chargement à enlever, de préférence des cartouches. Le lieutenant de Chambrun arriva le 30 mars, à onze heures du matin, à Bousso où il trouva M. Gentil et le capitaine Robillot. Il repartit de Bousso le 31 mars à six heures du matin ; il était de retour à Koucheri le 6 avril à midi, ayant laissé le convoi des soixante-quatre chameaux avec le sergent Belin à la disposition du capitaine Robillot. Le 2 avril 1900, le commandant Lamy recevait à Koucheri une nouvelle demande de moyens de transport que lui adressait le capitaine de Lamothe, de Macéré. Il mobilisait aussitôt toutes les pirogues de pêche disponibles à Koucheri et les faisait partir au-devant de M. Gentil avec un détachement de dix-huit tirailleurs algériens et de douze tirailleurs soudanais commandé par l'adjudant Jacques, de la mission saharienne. Le départ de la flottille de l'adjudant Jacques avait lieu le 2 avril à dix heures du soir. Le commandant Lamy n'hésitait donc pas à tout mettre en œuvre pour hâter la réunion des forces françaises sur le Chari. Il avait diminué de quarante-cinq hommes, c'est-à-dire de l'effectif d'une section, le nombre des troupes occupant Koucheri pour assurer l'escorte des moyens de transport supplémentaires envoyés au-devant des troupes du Chari dont la lenteur le désespérait. Ces quarante-cinq hommes pouvaient lui faire cependant défaut à Koucheri même, qui se trouvait maintenant sous le coup d'une attaque directe de Rabah, dont on signalait le départ de Dikoa avec le gros de ses forces. A partir du 11 avril, le doute ne fut plus possible ; deux salves de trois coups de canon furent tirées à peu de distance au nord de Koucheri en l'honneur de la grande fête des musulmans, l'Aïd el Kebir ; elles nous signalaient insolemment la présence, à proximité de la place, d'un adversaire qui ne cherchait pas à se cacher et qui, bien au contraire, venait nous narguer, en tirant à nos oreilles des salves d'allégresse avec les canons qu'il avait enlevés à la mission Bretonnet. Cette jactance inspira au commandant Lamy une ligne de conduite tout opposée, il fallait confirmer cet audacieux adversaire dans son outrecuidance, affecter une attitude réservée, timide même, jusqu'au moment où nous serions rejoints par les troupes du Chari. Le commandant avait, disait-il lui-même, replié ses ailes et supprimé tous les postes extérieurs de la place afin d'éviter qu'ils ne soient exposés inutilement aux coups des reconnaissances à gros effectifs de Rabah qui nous avaient déjà tué deux tirailleurs algériens. Mais la nuit fonctionnait un système très actif de patrouilles qui, embarquées sur des pirogues, glissaient silencieusement jusqu'aux abords du camp de Rabah, établi à peu de distance du Chari, en aval de Koucheri ; elles épiaient tous les mouvements de l'ennemi et surprenaient le joyeux vacarme de ses tam-tam nocturnes. On resta ainsi en contact immédiat pendant dix jours qui nous parurent interminables, sans qu'aucune imprudence de notre part nous fit sortir de notre attitude expectante et volontairement passive. Nos patrouilles repoussèrent avec succès plusieurs reconnaissances de la nombreuse et excellente cavalerie ennemie. Enfin, le 21 avril, à deux heures après midi, les troupes du Chari arrivaient à Koucheri, d'où elles repartaient dès le lendemain matin pour marcher au feu, conformément à la décision suivante n° 36 de M. le commissaire du Gouvernement au Chari. N° 36. « Le commissaire du Gouvernement au Chari, chevalier de la Légion d'honneur, « Vu ses instructions, « Vu les dépêches ministérielles donnant au commissaire du Gouvernement le droit d'utiliser les missions « Saharienne » et « Afrique centrale » suivant les nécessités du moment, « Décide : « L'objectif de la colonne sera d'asseoir notre domination au Chari dans les conditions prévues par les conventions internationales. « A cette fin, dans le cas où des opérations contre Rabah seraient jugées nécessaires, elles seraient conduites par M. le chef de bataillon Lamy qui, en outre des troupes déjà sous son commandement, disposera des troupes du Chari. Signé : GENTIL. La présence de Rabah dans des territoires voisins de ceux où nous voulions assurer notre domination, les positions stratégiques qu'il occupait, ne nous laissaient aucune sécurité ; il fallait le réduire avant de songer à une installation. En conséquence, une colonne d'opérations contre Rabah fut formée sous les ordres du commandant Lamy ; elle comprenait, en plus des troupes du Chari, celles de la mission « Afrique centrale » et celles de la mission Saharienne ; elle était forte de 700 fusils, 30 chevaux des spahis algériens et soudanais et disposait de trois canons de 80 millimètres de montagne et de un canon de 42. Les contingents indigènes du sultan du Baguirmi, Gaourang, comprenaient un grand nombre de cavaliers et suivaient la colonne d'opérations. Le dispositif de marche pour le combat était pris au sortir même de la place de Koucheri. La marche s'exécutait sur trois colonnes parallèles pendant 5 kilomètres environ. La colonne de droite longeait le Chari ; elle comprenait les troupes de la mission « Afrique centrale » sous les ordres du capitaine Joalland, de l'artillerie de marine ; la colonne du centre, formée des troupes du Chari commandées par le capitaine Robillot, était accompagnée de la batterie d'artillerie de quatre pièces commandée par le capitaine Bunoust. La colonne de gauche, composée des troupes de la mission Saharienne sous les ordres du capitaine Reibell, était chargée d'exécuter un mouvement tournant et de couper la retraite de l'ennemi. L'action fut engagée à sept heures et demie du matin par la colonne de droite. Les colonnes du centre et de gauche entrèrent successivement en action. Le camp apparaissait au sommet d'un mamelon dont les vues étaient bien dégagées dans un rayon de 600 à 800 mètres. Il comprenait un vaste réduit central de forme circulaire et d'un diamètre de 300 mètres. Ce réduit était très solidement organisé, entouré de palanques renforcées par une levée de terre ; à l'extérieur se trouvait installé un village en paillottes, entouré d'une zériba. Toute la position, et particulièrement l'intérieur du réduit, fut arrosée par le tir à mitraille de l'artillerie, qui tira 74 obus de 80 millimètres et 20 obus de 42, tandis que la violence du feu d'infanterie redoublait sur les faces attaquées à l'ouest et au nord du camp. Après un combat de préparation par le feu de deux heures, dans lequel nos hommes brûlèrent 32,000 cartouches, l'assaut fut donné, sous l'impulsion de la réserve, maintenue au centre, à la disposition du commandant Lamy, avec un entrain tel que la position ennemie fut enlevée et traversée d'un seul élan. A l'intérieur du réduit eut lieu un carnage effroyable. C'est à ce moment, et alors que le succès était définitivement assuré, qu'un retour offensif des fuyards, pour protéger la retraite de Rabah blessé, vint frapper mortellement le chef admirable qui avait conduit ses troupes à une victoire aussi sagement et mûrement préparée que brillamment enlevée. Aux côtés du commandant Lamy, et au même moment, tombaient le capitaine de Cointet, tué raide, et le lieutenant de Chambrun, blessé au bras.
Ce court retour offensif était bien vite repoussé et l'ennemi, coupé de sa retraite sur le Chari par la colonne de gauche qui, après avoir traversé le réduit, avait gagné les bords du fleuve, se dispersait de tous côtés dans la brousse, cherchant à gagner la seule issue qui lui demeurât ouverte vers le sud-est, c'est-à-dire vers Koucheri. La colonne du capitaine Reibell le poursuivit dans cette direction pendant environ 3 kilomètres, appuyée par les cavaliers auxiliaires du Baguirmi, qui rapportèrent la tête de Gaddem atteint et tué dans sa fuite. Au même moment, on apportait au camp la tête et la main droite de Rabah, tué par un tirailleur soudanais de la mission Afrique centrale. La victoire était donc décisive et aussi complète qu'on pouvait le désirer. Tous les étendards ennemis étaient tombés entre nos mains ainsi que les trois canons de 4 provenant du massacre de la mission Bretonnet dont la mort était une fois de plus vengée. Plus de cinq cents cadavres gisaient à l'intérieur du réduit ; parmi eux, ceux des principaux chefs d'étendards. La civilisation triomphait d'une façon éclatante au cœur de l'Afrique barbare sous l'égide de la France. Mais notre succès avait été trop chèrement acheté. La mort d'un chef tel que le commandant Lamy, celle d'un officier aussi valeureux que le capitaine de Cointet, sont des pertes irréparables. Elles ont jeté un voile de deuil sur le succès de cette journée. Quatre officiers blessés, un sous-officier français, le sergent Rocher, du 1er régiment de tirailleurs algériens, tué ; 17 hommes de troupe tués, 55 hommes de troupe blessés, constituent le bilan de nos pertes. Celles de l'ennemi ne s'élèvent pas à moins d'un millier de tués tant sur la position enlevée qu'à ses abords ; un grand nombre de prisonniers et un butin immense de chevaux, d'armes, de munitions, d'effets de toute nature complètent nos trophées. La conduite des troupes au combat du Chari a été au-dessus de tout éloge. Les trois missions parties de l'Algérie, du Soudan et du Congo depuis de si longs mois ont rivalisé d'ardeur et d'entrain, chacun tenant à prouver à ses camarades qu'en présence de l'ennemi et sous une grêle de balles, les fatigues, les privations, toutes les misères supportées s'effacent comme par enchantement et que l'irrésistible furia française surmonte tous les obstacles. D'après les renseignements recueillis, le camp de Rabah, sur le Chari, renfermait 5,000 personnes, parmi lesquelles 1,500 fusils de tout modèle, dont un millier à tir rapide, 600 chevaux et trois canons. Il serait resté 500 fusils à Karnak-Logone avec Fadel-Allah et 400 fusils à Dikoa avec Niébé, les deux fils de Rabah. Les officiers blessés sont MM. les lieutenants Meynier et de Chambrun atteints sans aucun danger à redouter, le lieutenant Galland blessé légèrement et le capitaine de Lamothe blessé très légèrement. Le capitaine Reibell, de la mission saharienne, a pris, comme étant l'officier le plus ancien, le commandement de la colonne d'opérations contre Rabah en remplacement du commandant Lamy. A la suite du combat du Chari, le commissaire du Gouvernement a adressé la lettre suivante au capitaine, commandant la colonne d'opérations : N° 37. « Mon cher capitaine, « Une mort glorieuse est venue frapper en plein triomphe le chef habile et aimé qu'était M. le commandant Lamy. La victoire a été la conséquence de sa tactique habile. Rabah, le dévastateur de toute une région fertile, a été vaincu, ses bandes disséminées, ses bannières enlevées et lui-même a perdu la vie. « Ce résultat brillant appartient tout entier au commandant Lamy qui a mis fin à la carrière d'un bandit. Gloire à lui qui meurt en ayant au moins la suprême satisfaction du devoir accompli et du succès final. « Vous remplacez maintenant le héros que tous nous pleurons. C'est donc vous que je viens prier de transmettre aux officiers et aux troupes placées sous vos ordres l'expression de mon admiration et les remerciements du Gouvernement. « Si le chef a été admirable, les troupes ont été au-dessus de tout éloge ; habilement dirigés par des officiers qui les uns dans la traversée effrayante du Sahara, les autres dans cette longue route de Say au Tchad si fertile en tragédies, les derniers enfin sur cette voie du Chari, en apparence la meilleure, mais qui les obligeait à lutter contre des forces cinquante fois supérieures, qui tous, dis-je, avaient montré qu'ils étaient les dignes fils de France, tirailleurs algériens, soudanais, spahis, tirailleurs auxiliaires du Chari, artilleurs ont rivalisé de bravoure et de vaillance. « Remerciez-les tous, mon cher capitaine, et assurez-les que toutes les propositions déjà faites ou à faire que j'ai à transmettre seront appuyées comme elles méritent de l'être par le ministre des colonies. Leur tâche n'est pas encore terminée et leurs épreuves n'ont pas encore pris fin, mais elles cesseront certainement très vite. Avec un chef comme vous et des collaborateurs comme eux, on est en droit de tout attendre. « Encore une fois merci à vous tous qui souffrez pour la grandeur de notre chère France et recevez, en même temps que le tribut de mon admiration, l'expression de mes sentiments dévoués. « Signé : GENTIL. » Cependant notre tâche n'était pas encore terminée. Si le combat du Chari avait supprimé Rabah et porté un coup mortel à l'empire éphémère créé par lui dans le Bornou, le pays était encore infesté par ses bandes et les fuyards échappés au désastre du 22 avril pouvaient se rallier autour des fils de Rabah dans les deux places fortes de Karnak-Logone et de Dikoa. Aussi le commissaire du Gouvernement décidait-il par l'ordre ci-après de les poursuivre sans relâche : N° 39. « Le commissaire du Gouvernement au Chari, « Vu ses instructions, « Considérant que la présence des bandes rabistes à Dikoa est une menace permanente pour la sécurité des pays de protectorat français. Décide : « La marche sur Dikoa aura lieu demain matin 27 avril. Dès que les opérations contre Dikoa seront terminées, l'évacuation se fera immédiatement et les deux missions saharienne et Afrique centrale prendront leurs dispositions pour le retour en territoire français. « Signé : GENTIL. » La majorité des fuyards avaient pris après le combat du Chari la direction de Karnak-Logone, où ils avaient rejoint Fadel-Allah, fils aîné de Rabah, qui occupait cette place avec une garnison de 400 fusils sous les ordres de Faki-Ahmed-Serir. C'était le noyau le plus voisin de Koucheri, et en apparence le centre le plus sérieux de reconstitution des forces ennemies. Le 24 avril, un détachement de 50 tirailleurs soudanais sous les ordres du sergent Suley-Taraoré, de la mission Afrique centrale, remontait en pirogues le Logone pour aller reconnaître la place. Cette avant-garde était appuyée le 25 avril par le gros de la colonne d'opérations, quittant Koucheri à l'effectif de 600 fusils, qui se portait à 28 kilomètres, dans la direction de Logone, au campement de Tidem. En ce point parvenaient dans la soirée les résultats de la reconnaissance du sergent Suley-Taraoré, qui avait trouvé la ville de Logone abandonnée par Fadel-Allah et mise au pillage par les habitants du pays, qui s'étaient emparés de toutes les richesses qu'une fuite précipitée avait fait abandonner. C'est à Dikoa que se réunissait le restant des forces de Rabah. Cette ville dont il avait fait la capitale de son empire devenait dès lors l'objectif de la colonne d'opérations. Il fallait revenir le 26 avril à Koucheri pour prendre, dès le 27, la seule route présentant des ressources en eau suffisantes pour une colonne telle que la nôtre. Cette route descendait le Chari jusqu'à Malteu, à 30 kilomètres de Koucheri, et suivait ensuite le bras occidental du delta du Chari, en se dirigeant vers l'ouest, par Afadé, à 22 kilomètres de Malteu et Tingoumon, à 8 kilomètres d'Afadé. De ce point, jusqu'à Dikoa, il restait un espace de 60 kilomètres, sans eau ou à peu près, à franchir avant d'atteindre les environs de Dikoa. Cette distance fut parcourue en une seule marche de nuit, coupée par un long repos de trois heures. Cet effort amenait la colonne, le 30 avril, au village d'Ourselle, à 20 kilomètres seulement de Dikoa. Nous y trouvâmes les nouvelles les plus contradictoires sur les projets de l'ennemi. Il n'y avait qu'une façon de les contrôler : aller de l'avant. Le 1er mai, la colonne se portait sur Dikoa par Adjiré, où elle apprenait que la capitale avait été évacuée le matin même. Il fallait se hâter d'y arriver, pour mettre fin au pillage commencé aussitôt après le départ des troupes de Rabah par les habitants des villages environnants et les quelques rares habitants de la banlieue de Dikoa qui n'eussent pas été contraints de force à suivre Fadel-Allah. C'était la migration de tout un peuple laissant derrière lui une ville déserte. L'aspect en était imposant. Au centre, entouré d'une enceinte continue, l'emplacement où s'élevaient les palais de la famille de Rabah et ceux de tous les grands chefs militaires ; à l'extérieur, rendant les abords de la muraille très difficiles, les quartiers occupés par le même peuple et par les prisonniers bornouans ou baguirmiens. Plus loin encore, les maisons de campagne de Rabah et de quelques grands personnages, les casernes des troupes de la garnison de Dikoa, enfin le quartier occupé par une centaine de marchands tripolitains dont aucun n'avait quitté Dikoa. Il fallait occuper la ville au plus vite, pour mettre fin au pillage par les indigènes. Le palais de Rabah fut occupé par les troupes du Chari et par l'artillerie ; les troupes de la mission Afrique centrale occupèrent le palais de Fadel-Allah ; celles de la mission saharienne, le palais de Niébé. Les troupes étaient installées depuis deux heures environ lorsqu'une explosion formidable vint jeter l'alarme dans les cantonnements. Une colonne épaisse de fumée s'élevant au-dessus de la maison de Rabah, indiquait l'emplacement de l'accident ; les flammèches provenant de l'explosion mettaient le feu en différents points de la ville qui semblait devoir être la proie d'un immense incendie. Les explosions succédaient aux explosions, et c'est un miracle qu'il ne se produisit pas d'accident de personnes mortel parmi les troupes du Chari qui occupaient le local même d'où le feu s'était propagé. Seuls les deux officiers d'artillerie, M. le capitaine Bunoust et M. le lieutenant Martin, qui procédaient au même instant à la visite de la poudrière, furent atteints par les flammes et brûlés, le premier très grièvement, le second assez légèrement. Ils purent sauver tout le matériel et toutes les munitions de leur artillerie avec l'aide du maréchal des logis Papin, dont le dévouement et le courage furent dans ces circonstances périlleuses au-dessus de tout éloge ; seuls quelques fusils des troupes du Chari furent perdus dans ce sinistre, dont la cause n'a pu être nettement établie et qui ne paraît cependant pas pouvoir être attribué à la malveillance. Finalement, l'incendie fut limité à la poudrière de Rabah, sans même que le reste de son immense palais fût très sérieusement endommagé, et cet accident qui aurait pu avoir des suites terribles n'eut pas d'autre conséquence que de retarder de quelques heures le départ du détachement de poursuite composé des éléments les plus mobiles de la colonne, qui devait se lancer immédiatement sur les traces de Fadel-Allah. Ce détachement comprenant 10 spahis algériens, 20 spahis soudanais, 50 tirailleurs montés à cheval, 30 tirailleurs montés à chameau de la mission saharienne, 40 tirailleurs soudanais montés à chameau, quitta Dikoa le 1er mai à onze heures du soir sous les ordres du capitaine Reibell. Il parcourut rapidement pendant une marche de nuit dans une obscurité épaisse 40 kilomètres, et le lendemain matin, 2 mai, à sept heures et demie, il tombait sur la smala de Fadel-Allah, formant un camp immense établi sur les bords d'une vaste dépression dont l'écoulement est vers le Tchad, et dans laquelle l'eau se trouve en grande abondance à peu de profondeur. Le lieu porte le nom de Deguemba. Après un combat qui dura une heure environ, qui fut très vif et au cours duquel les troupes de Fadel-Allah, au nombre de 700 à 800 fusils, chargèrent notre petite colonne de combat jusqu'à moins de 50 mètres, le camp ennemi fut enlevé dans une charge irrésistible, menée sur une distance de près de 2 kilomètres, avec un élan remarquable par MM. les lieutenants Rondeney et Britsch. Dix étendards furent pris avec tout le convoi de poudre et de munitions, les bagages personnels de Fadel-Allah, son harem, plus de 300 fusils et un grand nombre de prisonniers. Pendant toute la journée, les soldats ennemis qui s'étaient dispersés dans la brousse et que la soif tenaillait vinrent se rendre en masse. Le petit nombre de notre cavalerie, l'état de nos chevaux ne nous permit pas d'atteindre Fadel-Allah et son frère Niébé, qui s'étaient enfuis à toute allure avec un grand nombre de cavaliers. Sur le terrain on reconnut le cadavre de Faki-Ahmed el Kebir, gouverneur de Dikoa, qui était venu se faire tuer courageusement jusque sur nos baïonnettes. Ce beau succès ne nous avait coûté que deux blessés, parmi lesquels le médecin aide-major de 1re classe Haller qui, accompagnant, suivant sa courageuse habitude, la ligne même du combat, avait eu la cuisse brisée par une balle et qui, dans une colonne où personne n'avait par bonheur besoin de ses secours, ne trouvait personne qui pût lui donner les soins qu'exigeait la gravité de sa blessure. Le détachement de poursuite dut s'arrêter deux jours à Deguemba pour attendre l'arrivée d'un médecin appelé de Dikoa et pour mettre un peu d'ordre et d'organisation dans le millier d'individus que la prise de la smala de Fadel-Allah nous mettait sur les bras. Les ressources en vivres trouvées dans le camp étaient nombreuses ; plus de 500 bœufs, une centaine de moutons, du mil en quantité. Le 3 mai, un détachement allait reconnaître la direction de fuite prise par Fadel-Allah, qui avait remonté dans la direction du sud, le cours d'eau indiqué par Barth sous le nom de Yadzram. Le 5 mai, à sept heures du matin, le détachement de poursuite repartait à la suite de son insaisissable ennemi ; il comprenait 8 spahis algériens, 15 spahis soudanais, 60 tirailleurs à cheval de la mission saharienne, 40 tirailleurs algériens à pied, 20 tirailleurs soudanais montés à chameau, une pièce de canon de 42 millimètres à chameau, 5 tirailleurs algériens à chameau servant la pièce. Sur cet effectif total de 148 hommes, les 40 tirailleurs algériens à pied et la pièce de canon ainsi que ses servants étaient arrivés pendant la nuit même de Dikoa et avaient déjà parcouru 40 kilomètres ; les spahis algériens avaient été chercher ce renfort et étaient revenus avec lui ; ils étaient en selle depuis 80 kilomètres au moment du départ. La garde de notre camp et de nos blessés à Deguemba fut confiée à 60 hommes sous les ordres du capitaine Joalland. La marche fut reprise sans interruption pendant 145 kilomètres jusqu'au moment où l'on rejoignit les fuyards. Le détachement arriva à Jaloé, à 15 kilomètres de Deguemba, où eut lieu un long repos de dix heures du matin à cinq heures du soir ; la marche fut reprise sur Rabori, où l'on arrivait à quatre heures et demie du matin, le 6 mai, après une marche de nuit qu'une violente tornade et une pluie torrentielle avaient interrompue pendant trois heures. On continua sur le village abandonné d'Ourga, et l'on s'arrêta pour une grande halte, de dix heures et demie à midi. On atteignit à cinq heures du soir le village de Médoubé, que Fadel-Allah avait quitté le matin même, où ses feux brûlaient encore et où l'on trouvait, comme sur le reste de son parcours, de nombreux vestiges des atrocités commises par ce digne fils de Rabah, qui razziait tout sur son passage, emmenait de force les populations, se constituait une nouvelle smala, plus nombreuse que l'ancienne, et faisait exterminer sans pitié tous les traînards laissés sur ses derrières. Cependant sa marche était loin d'être facile ; privé de munitions, ne disposant plus que des quelques cartouches portées par ses soldats, il était en butte aux attaques incessantes des indigènes du pays, gens du Gamerghou ou Kourdis, païens armés d'arcs et de flèches empoisonnées, chasseurs de gazelles et d'antilopes qui, chaque jour, lui tuaient du monde. Il s'était arrêté à Isségué, à l'entrée du pays des Mandaras, où il devait rencontrer une hostilité déclarée de la part du sultan de Doloo, dont le père avait été tué par Rabah. Fadel-Allah comptait établir un camp fortifié à Isségué et y attendre des jours meilleurs. Il fallait le surprendre par la soudaineté de notre apparition. On fit un long repos à Médoubé, de six heures du soir à minuit. On repartait le 7 mai à minuit, et à sept heures du matin le détachement arrivait à Isségué en face du camp de Fadel-Allah. Les 145 kilomètres avaient été franchis en quarante-huit heures. Le lieutenant Oudjari et ses hommes en avaient parcouru 185 en trois nuits et deux jours, les spahis algériens 225 en trois jours et trois nuits. En vue de l'ennemi, personne ne se ressentait de ses fatigues. Quelques coups de canon, quelques coups de fusil dispersèrent comme une volée de moineaux les derniers soldats de Fadel-Allah, qui s'enfuit avec 200 cavaliers à peine, nous abandonnant une seconde fois tout son camp et le produit de ses dernières rapines. Les spahis, dont les chevaux étaient en parfait état, lui donnèrent une chasse vigoureuse. Le brigadier Suleiman Sidibé, avec le détachement de spahis soudanais, parfaitement monté, regagna la tête de la colonne des fuyards, fit mettre pied à terre à ses cavaliers, et exécuta des feux de salve sur l'ennemi jusqu'au complet épuisement de ses munitions. Il tua ainsi parmi les personnes importantes de l'entourage de Fadel-Allah, qui fut épargné, Niébé, son frère, Abed, gendre de Rabah, et Bandas, chef d'étendard. Deux étendards tombèrent encore entre nos mains ainsi qu'une centaine de fusils, parmi lesquels 10 gros fusils de rempart. La poursuite, appuyée par quatre sections de tirailleurs algériens à cheval, ne permit qu'à un petit groupe de cavaliers parfaitement montés de nous échapper. Ceux-ci, privés de tout, sans vivres, sans munitions, sans femmes, sans domestiques, traqués par les indigènes armés de flèches, arrêtés en avant par les Mandaras, leurs ennemis mortels, étaient réduits aux abois. Il ne leur restait plus qu'à périr dans les rochers où ils s'étaient réfugiés ou à se rendre. Le programme tracé au commandant de la colonne était rempli. Il avait débarrassé le centre africain des dernières bandes rabistes, mises définitivement hors d'état de nuire à qui que ce soit. Il fallait songer au retour et organiser le rapatriement de cette population de plus de 6,000 individus, parmi lesquels 5,000 femmes de tout âge, de toutes conditions, depuis la femme de Fadel-Allah, Hadja, fille du cheik Senoussi, depuis la femme de Rabah jusqu'aux plus misérables vieilles se traînant à peine. On consacra la soirée du 7 et la matinée du 8 mai aux préparatifs de retour. Cependant, avant de quitter Isségué, le capitaine commandant la colonne voulut faire parvenir à Fadel-Allah la proposition de se rendre. Il lui écrivit une lettre dans ce sens, que trois des prisonniers de la veille se chargèrent de porter à Fadel-Allah, sous la conduite de deux indigènes du pays. La réponse à ces ouvertures devait lui parvenir à Dikoa. La colonne, précédée de ce troupeau humain, dont elle avait maintenant la charge, quitta Isségué le 8 mai, à deux heures de l'après-midi, pour aller coucher à Médoubé à 30 kilomètres plus au nord. Elle transportait également un douloureux fardeau dans la personne du sergent Couillé, du 1er régiment de tirailleurs algériens, qui s'était mortellement blessé au bas-ventre en détruisant les armes démodées prises à l'ennemi. Ce malheureux sous-officier, qui était le type du dévouement, du zèle et de la bonne volonté, succomba pendant le trajet et fut inhumé à Médoubé. Il emportait les regrets unanimes de ses chefs qui l'aimaient et de ses subordonnés dont il était le modèle. Le 9 mai, la colonne atteignit, après une marche de 55 kilomètres, le groupe de villages de Kabori qui présentaient des ressources suffisantes pour sa subsistance. Le 11 mai, elle rentrait à son camp de Deguemba, ayant franchi une nouvelle distance de 55 kilomètres. Il ne restait plus qu'à ramener à Dikoa, à la suite des combats des 2 et 7 mai, les captifs libérés et parmi lesquels se trouvaient des épaves de toutes les catastrophes fatales aux entreprises européennes en Afrique durant le cours des vingt dernières années : anciens combattants de Kartoum, sénégalais de l'escorte de Crampel, débris de la mission Bretonnet, Sénégalais et domestiques de M. de Béhagle, Tripolitains et Egyptiens plus ou moins mêlés à ces différents drames, formant un ensemble de témoins qui pouvaient contribuer à jeter un jour complet sur les points demeurés obscurs de ces lamentables affaires. La colonne d'opérations était concentrée le 13 mai au soir à Dikoa, où le capitaine commandant la colonne recevait le rapport du commandant des troupes du Chari sur les événements qui s'étaient passés dans la capitale, pendant la durée de la poursuite de Fadel-Allah. Grâce au tact et à l'énergie du capitaine Robillot, l'ordre n'avait pas tardé à être rétabli dans la ville livrée pendant deux jours à un pillage désordonné par des indigènes de toute catégorie, qui s'étaient rués sur la proie que l'incendie du 1er mai et l'évacuation de la ville par nos troupes mettaient à leur merci. Les troupes du Chari avaient eu le temps de se remettre des fatigues des longues séries d'étapes auxquelles était venu s'ajouter l'effort que le commandant de la colonne avait été dans la nécessité de leur demander, en les portant de Koucheri sur Dikoa en cinq fortes étapes, dont une de 60 kilomètres. On retira des décombres de l'arsenal de Rabah, 35 canons de rempart de modèles anciens et plus ou moins hors d'usage, 28 charges de poudre et de munitions qui, avec 120 fusils environ, provenant des soldats de Rabah, qui étaient venus se rendre à Dikoa, après le combat de Deguemba, furent remis au Fatcha, commandant le détachement de 100 cavaliers auxiliaires, fourni par le sultan de Baguirmi pour être transportés à Koucheri. A Dikoa également étaient venus se rendre directement deux Tripolitains, secrétaires de Rabah et de Fadel-Allah, au courant de toutes les richesses et de tous les approvisionnements laissés dans les palais de Dikoa et à Karnak Logone. Ils confirmèrent le renseignement déjà parvenu de sources différentes qu'il n'existait pas à Dikoa de trésors cachés, et que tout ce qui n'avait pu être emporté avait été laissé dans des magasins que nous avons trouvés complètement pillés. Il en avait été de même à Karnak Logone au moment du départ de Fadel-Allah. Nous nous bornâmes à prendre le mil et les animaux nécessaires à la subsistance de nos troupes sur le Chari. Le séjour en territoire étranger du détachement rendu nécessaire par les opérations contre Rabah ne pouvait être prolongé plus longtemps. La colonne se remettait en marche sur Koucheri les 15 et 16 mai. Elle formait trois échelons pour lui permettre de profiter plus aisément pour elle-même, pour les nombreux troupeaux et pour le personnel auxiliaire de toute nature qu'elle traînait à la suite des ressources peu abondantes en eau existant dans la région entre Dikoa et le Chari. Les deux premiers échelons commandés, l'un par le capitaine Joalland, l'autre par le capitaine Robillot, se suivaient à un jour d'intervalle sur une route passant par Gadjibo et par Angalla et atteignaient au-delà de cette localité le marigot d'Afadé ; le troisième échelon avec lequel marchait le commandant de la colonne, transportait sous l'escorte de cinquante hommes des troupes du Chari commandés par le capitaine de Lamothe, les officiers blessés, et reprenait au retour la même route qu'à l'aller. Cet échelon rejoignait à Afadé le 19 mai celui du capitaine Joalland. Tout deux rentraient ensemble à Koucheri le 21 mai. La colonne d'opérations passait aussitôt sur la rive droite du Chari. Elle venait s'installer au point de la rive française qui doit porter le nom de Fort-Lamy et perpétuer le souvenir du chef regretté dont les sages prévisions avaient assuré le succès décisif du 22 avril et préparé les heureux résultats obtenus par le détachement de poursuite de Fadel-Allah. Les opérations de la colonne contre Rabah ayant pris fin le 22 mai 1900, le commissaire du Gouvernement au Chari a adressé aux troupes y ayant pris part l'ordre suivant n° 45 : N° 45. « Au moment où les troupes de la mission Afrique Centrale et du Chari vont se séparer, le commissaire du Gouvernement tient à leur exprimer toute sa reconnaissance et toute son admiration. « Il y a un mois environ, la puissance de Rabah, le dévastateur de l'Afrique Centrale, entamée par de glorieux combats, mais toujours redoutable, s'étendait sur tout le Bornou et restait une menace pour nos possessions. « Aujourd'hui, Rabah est mort et ses partisans tués ou en fuite. « La cause de l'humanité et de la civilisation a triomphé. « C'est à la vaillance des troupes d'opérations, à l'abnégation et aux brillantes qualités de leurs officiers que l'on doit un résultat aussi glorieux. « Les combats de Kouno, de Koucheri, du 9 mars, du 22 avril avaient été une manifestation de la bravoure de tous. La marche sur Dikoa, que des nécessités stratégiques nous avaient imposée, et la poursuite de Fadel-Allah ont montré quelle était la solidité et l'endurance de nos vaillants soldats, et en particulier du petit corps de tirailleurs algériens, spahis algériens et soudanais qui, sous le commandement du capitaine Reibell, ont si brillamment terminé les opérations. « Les annales coloniales sont remplies de faits glorieux qui sont autant de témoignages en faveur de la vaillance des troupes françaises. On ne peut pas citer une seule colonne ayant réussi aussi bien et aussi vite que celle qui vient d'être dirigée contre Rabah. « Les troupes qui y ont pris part vont rentrer successivement dans leur patrie. Elles y recevront certainement l'accueil que leur mérite la tâche admirable qu'elles ont accomplie. « Signé : GENTIL. » Les résultats de cette campagne de trois mois, du 24 février au 22 mai 1900 étaient l'œuvre d'un homme qui ne connaissait ni les demi-mesures, ni les demi-succès ; pour lequel la préparation était sagement combinée, mûrement réfléchie, et l'exécution toujours poussée à fond avec le maximum de vigueur et d'énergie. Il ne concevait pas qu'on pût battre en retraite, reculer, car en pareil cas il fallait ne pas s'engager, et il ne l'eût jamais fait. La théorie des petits paquets, des actions isolées, lui était particulièrement odieuse. Il en avait donné la preuve en supprimant le poste laissé par le lieutenant Joalland dans le Kanem et qui lui semblait aventuré, et en résistant à toutes les provocations de Rabah pour attendre l'arrivée des troupes du Chari, avant d'entreprendre quoi que ce soit contre son adversaire. Il s'était notamment entouré de renseignements d'une précision étonnante sur les forces et les dispositions de son adversaire. Ces renseignements, dont nous fûmes à même de contrôler l'exactitude, lui permirent d'établir, le 22 avril au matin, un plan d'action magistral qui, suivi point par point, sans surprise et sans incident, nous assura un succès sans précédent dans l'Afrique australe. La poursuite des forces rabistes ne fut que la continuation du système du commandant Lamy, appliqué par ses lieutenants et ses élèves. A cette partie de mon rapport d'ensemble sont joints les ordres du jour nos 7, 8, 10 et 12, qui contiennent le résumé des opérations exposées ci-dessus et où figurent les citations et propositions dont les militaires, faisant partie de la colonne contre Rabah, ont été l'objet. J'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance, monsieur le ministre, la publication des ordres du jour précités au Journal officiel de la République française, afin que les citations et demandes de récompense qui y sont portées puissent figurer sur les livrets matricules et sur les états de services des intéressés. Pour le plus grand nombre de mes subordonnés, cette légitime satisfaction d'amour propre est la seule qu'ils puissent espérer à la suite de leur dure et pénible campagne. J'insiste bien respectueusement pour qu'elle leur soit accordée. Nous allons voir maintenant ces soldats qui ont déjà tant souffert aux prises avec de nouvelles épreuves sur la voie même du retour dans leurs foyers. J'aborde ainsi la dernière partie de ce rapport : 23 mai à septembre 1900. — Marches de retour de la mission saharienne par le Congo français. Rentrée de sa campagne contre Rabah, le 22 avril 1900, à Fort-Lamy, l'escorte de la mission saharienne en repartait le lendemain 23 pour entreprendre la longue série de ses marches de retour. Une nouvelle période de fatigues, de privations et de difficultés s'ouvrait pour elle ; mais on prévoyait au bout le rapatriement définitif et la rentrée dans les foyers. La région qu'on allait traverser était ruinée par la guerre faite par Rabah au Baguirmi depuis 1897 jusqu'en 1899. Elle était sans ressources par suite du long stationnement des troupes du Chari. Une organisation régulière n'avait pu encore lui être donnée. L'escorte de la mission saharienne forma deux détachements. L'un, monté en partie à bœuf, en partie à cheval, suivait la voie de terre par la rive droite du Chari. Il escortait un convoi de 200 bœufs ou vaches. L'autre était embarqué sur des pirogues. Il transportait 12 tonnes de mil. Ces vivres ne pouvaient être renouvelés en cours de route ; il fallait les ménager pour atteindre le poste de Gribingui, situé à un millier de kilomètres au sud de Koucheri. L'initiation de nos hommes au service de la flottille fut laborieuse. Ils avaient été successivement, au cours de la mission saharienne, chameliers, bourriquotiers, piqueurs de bœufs, cavaliers. Les voilà maintenant pagayeurs, obligés de suppléer à l'insuffisance des piroguiers indigènes livrés par le sultan Gaourang, et de réparer constamment un matériel en mauvais état. Un certain nombre de pirogues sombrèrent au port avant le départ, d'autres s'abimèrent en route et coulèrent à pic. Il fallait s'entasser sur les autres pirogues où les denrées ne pouvaient être mises à l'abri de l'eau qui envahissait tout ; une partie de l'approvisionnement de mil fut avariée. Par bonheur, le détachement par terre put conserver ses animaux de boucherie. La ration de viande portée à 1 kilogr., suppléa à l'insuffisance du reste. A Bousso, ce détachement toucha 350 moutons ou chèvres et 86 bœufs ou veaux, réunis par ordre du commissaire du Gouvernement. Les hasards heureux de la chasse permirent de ménager le troupeau. A l'arrivée à Gribingui, il nous restait encore une centaine de bêtes à cornes. Mais les animaux de selle du détachement monté avaient été fort éprouvés par les fatigues et par l'insuffisance de nourriture. Les chevaux surtout souffraient de ne pouvoir manger du grain. Sur 59 au départ de Koucheri, il n'en restait que 20 à l'arrivée à Gribingui. Les bœufs porteurs, qui trouvaient de bons pâturages avaient mieux résisté. Sur 50, il en est arrivé 30 à Gribingui. Les hommes démontés marchaient forcément à pied. Il en coûta, au début, à nos soldats, si souvent leurrés de l'espoir de voir leurs misères enfin terminées, de reprendre la pénible existence de route, en pleine saison des pluies. Chaque jour amenait sa tornade. L'apprentissage fut dur ; il fallait à l'arrivée à l'étape se créer des abris, protéger les denrées, profiter des éclaircies pour faire tout sécher. Jusqu'à la nuit noire, les corvées succédaient aux corvées. Le repos de nuit, souvent troublé lui-même par la pluie, devenait insuffisant. Grâce à l'énergie et à la bonne volonté de tous, le mouvement en avant, dont chacun comprenait la nécessité, put cependant être continué sans interruption. Là seulement était le salut. On échappait à une région désolée et en partie déserte. On se rapprochait d'une région où la saison des pluies serait terminée à notre arrivée ; en allant vite on subirait celle-ci moins longtemps. Elle remontait lentement vers le nord, nous nous dirigions vers le sud. Il fallait passer entre les gouttes. On y parvint presque, grâce à ce déploiement d'activité qui, joint à la force de volonté, permet à l'homme de surmonter tous les obstacles de la nature. L'état sanitaire, un instant déclinant, se trouva mieux, lui aussi, du mouvement ininterrompu et du changement d'air continuel. Partie de Fort-Lamy le 23 mai, l'escorte de la mission saharienne avait son avant-garde à Gribingui le 14 juillet 1900. Les deux détachements par terre et par eau, qui marchaient séparés depuis Fort-Archambault, s'y réunissaient par la suite et y trouvaient un bien-être inconnu depuis longtemps. Le détachement monté avait reconnu une route nouvelle, encore inexplorée, qui prend par l'intérieur des terres. Il avait été complètement isolé de la flottille pendant vingt jours. Celle-ci avait subi de longs retards au passage des rapides du Gribingui. Elle avait, par suite, souffert du manque de vivres. Elle ne parvint au poste de Gribingui qu'après de grands efforts, le 23 juillet 1900. Elle était très diminuée comme embarcations, mais n'avait perdu qu'un homme. Une partie du personnel de la flottille avait dû prendre la voie de terre pendant les derniers jours. L'escorte de la mission saharienne avait parcouru en cinquante jours, par voie de terre, 1,044 kilomètres. Elle avait traversé à la plus mauvaise saison une région réputée une des plus malsaines du globe, en ne perdant qu'un seul homme de maladie. Le capitaine commandant l'escorte de la mission saharienne était heureux de féliciter tous ses subordonnés pour ce résultat. Il adressait particulièrement ses remerciements à MM. les lieutenants Rondeney et Métois, qui, placés à la tête de la flottille et du détachement monté, avaient été pour lui des auxiliaires précieux. A partir du poste de Gribingui, la marche fut reprise par échelons, afin de pouvoir utiliser plus facilement les maigres ressources d'une région ruinée par le portage. La mission saharienne formait trois échelons. Le premier comprenant 130 hommes sous les ordres du lieutenant Métois, quittait Gribingui le 23 juillet ; il était suivi, le 27, par un second détachement de 60 hommes commandé par le lieutenant Verlet-Hanus, et enfin, le 3 août, par le dernier détachement de 60 hommes également commandé par le lieutenant Rondeney. Ces trois détachements suivirent la même route de Gribingui à Krébetjé en passant par les postes de Naua et des Ungourras. Ils arrivèrent à Krébetjé successivement les 1er et 12 août. Ils en repartaient les deux premiers les 5 et 9 août pour gagner directement l'Oubanghi auprès du village de Banziri à Bessou. Ils recevaient l'accueil le plus cordial et l'hospitalité la plus généreuse, de la part de la mission fondée par les Pères du Saint-Esprit à Bessou et désignée sous le nom de « la Sainte-Famille ». A Bessou, ces deux détachements trouvaient des convois de pirogues sur lesquelles ils s'embarquaient à destination de Bangui, en passant par le poste de Fort-de-Possel, établi à l'embouchure de la Kémo. Le premier détachement de la mission saharienne, lieutenant Métois, arrivait à Bangui le 15 août ; le second, lieutenant Verlet-Hanus, le 16. Ils n'avaient perdu aucun homme en route depuis Gribingui. Le troisième détachement, celui du lieutenant Rondeney, avait été plus éprouvé ; il avait perdu le 1er août à Gribingui le sergent français Bebec, du 1er régiment de tirailleurs algériens, et le tirailleur saharien Larbi. Il perdit entre Gribingui et Krebetjé le tirailleur algérien Kirat, du 1er régiment, un des meilleurs soldats de l'escorte ; il arrivait le 12 août à Krebetjé où le lieutenant Rondeney, commandant l'échelon, tombait gravement malade. Ce troisième détachement ne quittait Krebetjé que le 22 août, ayant été obligé d'attendre l'arrivée de deux pirogues indigènes, envoyées de Fort-de-Possel le 8 août, et qui ne parvinrent à destination que le 21. Le départ de l'échelon du lieutenant Rondeney eut lieu le 22 août, en deux fractions ; les quelques malades graves, parmi lesquels le lieutenant Rondeney lui-même, s'embarquèrent à bord des deux pirogues. Le reste du détachement prit, sous les ordres du maréchal des logis Bonjean, la voie de terre pour se rendre directement à Fort-de-Possel. Le capitaine Reibell, qui était revenu de Bangui au-devant de son dernier détachement, se porta à sa rencontre jusqu'au passage de la Tomy, où il trouva le détachement du maréchal des logis Bonjean aux prises avec de grandes difficultés par suite des inondations de la Tomy formant des marécages où l'on perdait pied. Le détachement du maréchal des logis Bonjean arriva le 27 août après-midi à Fort-de-Possel ; le lieutenant Rondeney y était arrivé la veille au matin avec ses deux pirogues. Après un jour de repos à Fort-de-Possel, le 28 août, le détachement s'embarquait le 29 pour Bangui où il arrivait le 30 août à midi. Il y trouvait le vapeur Binger, de la société Kouango R. D., sur lequel 130 hommes de troupe pouvaient être conduits à Brazzaville et qui appareillait le lendemain 31 août. Le capitaine s'embarqua à bord du Binger avec la compagnie du lieutenant Métois ; avant de quitter Bangui, il avait eu la satisfaction de voir arriver le Fununtangu, appartenant à la maison hollandaise, le plus grand vapeur de l'Oubanghi, sur lequel le restant de la mission saharienne pouvait facilement s'embarquer. Nous avions hâte de quitter Bangui dont le séjour avait été attristé par deux nouvelles morts survenues dans la compagnie du lieutenant Métois : celle du tirailleur saharien Lassemar, décédé le 20 août et celle de l'adjudant Jacques, du 1er tirailleurs algériens, décédé le 24 août. Le rapatriement seul pouvait amener la guérison de nos malades, qui déclinaient rapidement, malgré les soins dévoués que leur prodiguait le docteur Abeillé de la Colle, administrateur de la région de Bangui, malgré le bien-être qu'il s'était efforcé de procurer à nos hommes en leur assurant une copieuse ration de vivres européens et de vivres indigènes réunis par les soins de M. Magnant, chef de station à Bangui. Mais il fallait le changement d'air complet, le retour dans la mère patrie, pour rétablir des tempéraments épuisés, profondément atteints. Les marches effectuées depuis le poste de Gribingui avaient encore occasionné de grandes fatigues à nos hommes. La distance de Gribingui à Krébetjé était de 187 kilomètres ; celle de Krébetjé à Bessou de 111 kilomètres ; enfin celle de Krébetjé à Fort-de-Possel de 130 kilomètres. Ce parcours présentait l'obstacle de nombreux marigots grossis par la saison des pluies ; la piste suivie était obstruée par des herbes de 3 et 4 mètres de hauteur au milieu desquelles on marchait enseveli. Dans la matinée, ces herbes, humides de rosée, vous trempaient jusqu'aux os ; dans la journée on y étouffait sous l'ardeur des rayons solaires. Ces incommodités eussent été facilement supportées par des troupiers bien vêtus, elles présentaient un véritable danger pour des hommes dans le dénuement le plus complet, demi nus et n'ayant que des coiffures insuffisantes pour les abriter du soleil. Enfin, et surtout, nos hommes souffraient du manque de chaussures ; ils marchaient pieds nus depuis Koucheri, et les herbes coupantes, le sol rocailleux, la boue des marécages, leur occasionnaient des plaies qui prenaient bien vite le caractère du terrible ulcère malgache. Ce n'est qu'à force de soins que le mal put être enrayé. Les officiers déployèrent dans ces circonstances un dévouement au-dessus de tout éloge. Dès l'arrivée à l'étape, ils se transformaient en médecins et en infirmiers et passaient des heures entières à soigner les plaies les plus répugnantes. Parmi ceux de mes subordonnés qui se sont particulièrement distingués dans cette tâche ingrate et pénible, il convient de signaler le lieutenant Métois qui, depuis Koucheri jusqu'à Brazzaville, a commandé un détachement de 130 hommes privé de médecin et qui a réussi à maintenir l'état sanitaire de sa troupe dans de bonnes conditions. Les qualités exceptionnelles de dévouement et de charité dont cet officier a fait preuve méritent d'être récompensées. J'ai l'honneur de vous prier instamment, monsieur le ministre, de vouloir bien faire accorder au lieutenant Métois une médaille d'honneur dont il sera plus fier que de toute autre distinction. Grâce aux efforts de tous pour enrayer les funestes effets du climat et de la maladie, la mission saharienne a parcouru les 1,336 kilomètres séparant Koucheri de l'Oubanghi en ne subissant que des pertes insignifiantes. Elle n'a perdu du 23 mai au 31 août 1900 que six hommes de troupe par suite de maladie. Ce résultat presque inespéré dépasse de beaucoup les prévisions que les plus optimistes émettaient à notre départ de Koucheri. Il est dû, avant tout, je le répète, aux soins que les officiers de la mission saharienne ont pris de leurs hommes, il est dû également à l'empressement mis par les différents chefs de poste de la région civile du Chari à nous venir en aide et à procurer à nos hommes, pendant tous nos séjours, le maximum de bien-être et toutes les ressources dont ils pouvaient disposer. Je manquerais à tous mes devoirs en ne signalant pas l'empressement avec lequel les instructions bienveillantes de M. le commissaire du Gouvernement au Chari, en ce qui concernait notre rapatriement, ont été exécutées sur tout notre parcours. L'accueil qui nous a été fait dans la région civile du Chari nous laisse un souvenir ineffaçable et reconnaissant. Nous avons trouvé chez tous les subordonnés de M. Gentil, si dévoués et si méritants, une cordialité et une camaraderie qui prouvent combien tous savent, malgré l'éloignement, s'inspirer des sentiments de leur chef et quelle union de cœur règne parmi la petite phalange de ses collaborateurs. Nous sommes pleins de confiance dans l'avenir d'une colonie qui suit avec tant de discipline et tant de patriotique abnégation — car le rôle des services de l'arrière est toujours ingrat — l'impulsion d'une noble pensée. Parmi ceux qui nous ont secondés avec tant de zèle, une mention particulière est due à M. l'administrateur adjoint de 2e classe Bernard (Victor) qui, se trouvant momentanément sans emploi au Chari, s'est mis à notre disposition pour faciliter notre rapatriement jusqu'à Bangui. Depuis Gribingui, il a servi de fourrier à la mission saharienne, la devançant constamment, annonçant notre passage aux populations indigènes, leur commandant des vivres, préparant les villages à voir sans frayeur cette troupe de blancs qui les étonnait tant. Je recevais chaque jour de M. Bernard des renseignements écrits sur l'étape suivante dont il avait souvent fait aplanir les difficultés ; il a fait, notamment, établir entre Krebetjé et Bessou un superbe pont de lianes sur la Kémo, qui a grandement facilité notre passage. M. Bernard a rendu un service plus grand encore à la mission saharienne en affrétant une flottille de seize pirogues indigènes et de deux boats en acier qui, grâce à son intermédiaire, a été mise gracieusement à la disposition de la mission saharienne par l'agent principal de la maison hollandaise à Fort-de-Possel, pour descendre de ce point à Bangui deux de nos détachements. M. Bernard a accompagné le premier de ces détachements jusqu'à Bangui, où il s'est assuré que toutes les mesures nécessaires pour notre ravitaillement avaient été prises par le docteur Abeille de la Colle. M. Bernard est ensuite retourné jusqu'à Fort-de-Possel, au-devant de notre dernier détachement, qu'il a de même mis en route pour Bangui. J'estime que ce fonctionnaire a fait preuve, en se mettant spontanément à la disposition de la mission saharienne, d'un esprit de dévouement et d'un souci de l'intérêt général qui méritent d'être récompensés. Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre, si j'abuse de votre bonté, en m'acquittant à la fin de ce rapport du plus agréable des devoirs d'un chef, en réclamant pour ceux dont le concours nous a été utile la récompense des efforts qu'ils ont faits pour contribuer au succès de notre entreprise. Celui-ci a dépassé toutes les espérances que pouvaient concevoir à leur départ d'Algérie nos deux chefs, M. Foureau et le commandant Lamy. Je n'ai aucune fausse modestie à le proclamer, car le mérite leur en revient tout entier. C'est grâce à la direction patiente, prudente, avisée de notre mission que nous avons pu traverser sans encombre le Sahara touareg. C'est grâce à la vigueur et à l'énergie déployées dans l'exécution que nous avons victorieusement repoussé toutes les attaques dirigées contre nous et maintenu haut et ferme le drapeau qui nous était confié. Nous avons ouvert directement à la civilisation les portes d'Agadès la Sainte et indirectement celles d'Insalah. Après avoir réalisé la liaison entre nos possessions d'Algérie, et celles du Soudan, qui était le premier but de notre mission, nous nous sommes trouvés en état matériel et moral de faire plus encore ; nous avons entrepris de réaliser le rêve des Crampel, des Dybowski, des Maistre, des de Béhagle, des de Brazza, pour terminer par le plus grand, en venant mettre notre main dans celle que nous tendait par-dessus le lac Tchad notre belle colonie du Congo français. Et alors que notre œuvre semblait achevée, alors que M. Foureau avait déjà pris la voie du retour, une nouvelle tâche s'offrait à nous. Nous nous y adonnions avec un véritable enthousiasme et la sécurité de nos territoires du Chari devenait l'objet de nos nouveaux efforts. Malheureusement notre admirable chef, auquel était dû tout le succès de notre vaste et audacieuse entreprise, était enlevé à notre affection à l'heure même où le triomphe était assuré et où la civilisation l'emportait définitivement sur la barbarie au cœur du continent noir. Depuis lors, nous vivons dans le culte de cette glorieuse mémoire et tous nos efforts tendent à continuer les traditions d'un tel homme. Puissions-nous nous montrer, quand la patrie fera de nouveau appel à nous, ses dignes successeurs ! J'ai l'honneur d'être, monsieur le ministre, avec le plus profond respect, votre tout dévoué et très obéissant subordonné, Signé : EUG. REIBELL. P.-S — Le premier détachement de la mission saharienne, embarqué sur le Binger le 31 août à Bangui, arrivait à Brazzaville le 11 septembre. Il débarquait à cinq heures du soir et repartait le 12 septembre à trois heures du matin pour Kinchassa où il prenait le chemin de fer à destination de Matadi. Le trajet s'effectua en quatre jours par train de marchandises ; le 15 septembre, le détachement arrivait à Matadi. Le second détachement, commandé par le lieutenant Rondeney, quittait Bangui le 3 septembre à bord du Fununtangu. Il débarquait à Brazzaville le 14 septembre, et repartait le 16 pour Kinchassa d'où il était transporté par train spécial jusqu'à Matadi. Il arrivait à Matadi le 18 septembre. Le 21 septembre, la totalité de la mission saharienne était embarquée à bord de la Ville-de-Pernambuco, des Chargeurs réunis. — L'effectif au départ était de : 7 officiers et 237 hommes de troupes. Signé : EUG. REIBELL. **** Mission saharienne. - Escorte. Ordre n° 3. Les chefs du village d'Aguellal ayant été les instigateurs de l'attaque dirigée contre le camp d'Ighezzar le 12 mars dernier et s'étant, malgré les avances qui leur avaient été faites, mis à la tête d'une coalition ayant pour but d'isoler la mission, de l'empêcher de se procurer les animaux nécessaires à la continuation de sa route et les vivres pour sa subsistance, il fut résolu de reprendre la marche vers le sud en passant par cette localité, dont les menées hostiles à notre égard exigeaient une répression sévère. Dès notre arrivée à Aguellal, le 26 mai dernier, il nous fut facile de nous convaincre des intentions de la population à notre égard. C'est alors qu'après avis préalable du chef de la mission furent entreprises les opérations du 27 mai contre la tribu des Kel-Gharghar accusée de détenir des chameaux volés à la mission plusieurs mois auparavant, celle du 29 mai contre les campements réfugiés dans les montagnes autour du puits d'Afara, et enfin celle du 3 juin contre les campements installés au puits de Sedaouat, dont le chef Moussa, chef de la tribu très importante des Kazka-Zan, s'était mis à la tête du mouvement dirigé contre nous. Ces trois reconnaissances successives exécutées au cœur de l'été par une température torride, par des hommes à pied, marchant jour et nuit, avec une vigueur et un entrain sans pareils, eurent pour résultat de munir la mission d'une partie des moyens de transport nécessaires pour achever son transbordement d'lghezzar à Aguellal et des vivres (bechna et viande sur pied) nécessaires à sa subsistance. La concentration de toute la mission à Aguellal était effectuée le 11 juin 1899, au prix d'une série de marches que la chaleur et le manque d'eau rendirent extrêmement pénibles. En rentrant à son poste, le commandant apprend qu'un ghazzi d'une certaine importance s'est rassemblé dans l'ouest, dans le double but de protéger tous les campements réfugiés à Talak et de tomber, soit sur la mission, soit sur son troupeau à la première faute commise par nous. Il est de toute nécessité, avant de reprendre la marche vers le sud, de disperser ce rassemblement dangereux. Le 13 juin, dans l'après-midi, malgré les fatigues endurées si courageusement quelques jours auparavant et malgré l'élévation de la température, un détachement fort de 150 hommes pris dans toutes les unités de l'escorte de la mission quitte Aguellal et marche vers l'ouest. Le 14 juin, à sept heures du matin, ce détachement est violemment assailli sur un terrain admirablement choisi par l'ennemi, par un groupe de 500 à 600 chevaux ou mehara, qui se précipite brusquement sur l'arrière-garde commandée par le lieutenant Rondeney, et lui tue ou blesse plusieurs hommes avant qu'elle ait eu le temps de faire usage de ses armes. Malgré la soudaineté de l'attaque et l'impétuosité du choc, les 20 hommes de l'arrière-garde ralliés par le lieutenant Rondeney font tête à la trombe humaine qui menace de les engloutir et, après quelques minutes d'un feu rapide dont aucune balle ne se perd, forcent leurs assaillants à s'arrêter, puis à prendre la fuite. L'arrière-garde est d'ailleurs vivement soutenue par la 3e section commandée par l'adjudant Jacques. Le mouvement enveloppant dessiné par l'ennemi est à son tour arrêté par l'offensive énergique prise par le lieutenant Métois, envoyé quelques minutes après poursuivre un parti ennemi qui s'est réfugié dans une gorge profonde au milieu de hautes montagnes. Au lieutenant de Thézillat incombe, pendant le combat, le rôle effacé et ingrat de garder nos 100 chameaux et de les diriger ensuite sur le point de rassemblement de la colonne ; à cet officier échoit plus tard la tâche de poursuivre l'ennemi en fuite. Ce combat glorieux fait le plus grand honneur aux officiers et aux hommes de troupe qui y ont pris part ; aussi le commandant est fier de se trouver à la tête d'une pareille troupe à laquelle il est heureux de pouvoir adresser toutes ses félicitations. Le combat de Guettra a eu pour résultat de dissiper le ghazzi qui devait, à en croire les indigènes, anéantir toute la mission, déblayer la route du sud et inspirer une crainte salutaire aux populations sauvages et inhospitalières qui nous entourent. Après six jours de marche dans des conditions de chaleur excessive et de fatigues héroïquement supportées par nos hommes, le détachement rentre à Aguellal, le 20 juin, dans la matinée, n'ayant perdu qu'un homme, le caporal Billotet, glorieusement tué à l'ennemi, le 14 juin, au combat de Guettra, et qu'un homme qui a succombé aux fatigues, à la chaleur et à la soif. Le commandant cite à l'ordre de l'escorte de la mission : Le commandant adresse, en outre, ses félicitations au caporal Arkoul, n° mle 818, qui a fait preuve de beaucoup de sang-froid et de précision dans l'exécution d'un tir qui lui était prescrit contre un groupe de Touaregs (combat du 14 juin 1899), et au tirailleur El-Meki-ben-Naïma, n° mle 243, qui, ayant sa chéchia enlevée d'un coup de lance, a réussi à parer le coup avec son fusil. Le sergent Ducros n° mle 9144, les tirailleurs Bouhadda, n° mle 10629, Rakrout, n° mle 12844, Mohammed bou Abas, n° mle 255, Larbi ben Ahmed, n° mle 92, glorieusement blessés au combat de Guettra, seront proposés pour la Médaille militaire au premier courrier partant pour la France. Fait au camp d'Aguellal, le 21 juin 1899. Le chef de bataillon, commandant l'escorte de la mission saharienne, Certifié pour copie conforme : **** Mission saharienne et Afrique centrale. Ordre n° 7. Dès le jour de son installation sur la rive droite du Chari, en face de la place de Goulfey, le détachement de Soudanais de la mission Afrique centrale commence, sur la rive opposée du fleuve, une série de reconnaissances destinées à assurer sa sécurité. Ces coups de main, parmi lesquels on doit citer celui dirigé par le sergent Suley Taraoré le 17 février 1900 sur la petite place de Mara et celui du sergent Boubou Taraoré, préparés dans le plus grand secret, sont très habilement et très vigoureusement exécutés par ces deux sous-officiers auxquels le commandant adresse ses félicitations pour l'intelligence qu'ils ont déployée et la vigueur dont ils ont fait preuve. Mais Rabah a fait occuper par des détachements importants les places de Goulfey, de Koucheri et de Karnak Logone, de façon à intercepter la navigation du fleuve à la mission Gentil, dont la flottille dans le haut fleuve est en route pour venir nous rejoindre. Dans le but de dégager le cours du fleuve, le commandant décide de porter les deux missions sur sa rive gauche, puis de tomber sur la place de Koucheri qui commande le cours du Chari et celui de Logone et que les renseignements lui signalent comme moins bien défendue et plus accessible que celle de Goulfey. Le mouvement commence le 26 février par le passage sans incident du fleuve à Mara ; cette opération nous demande près de trente-six heures, mais elle réussit pleinement. Des reconnaissances exécutées les jours suivants, toujours dans la direction du nord et sur les deux rives du fleuve, ont pour but de laisser l'ennemi dans l'incertitude sur notre objectif et même de lui faire croire que nous allons marcher sur Goulfey. Le 1er mars, les deux missions quittent la place de Mara et viennent prendre position à quelques kilomètres au nord de Koucheri. Dans l'après-midi, un détachement commandé par M. le lieutenant Britsch vient reconnaître les abords de la ville et prendre contact avec l'ennemi : cette reconnaissance préliminaire est très intelligemment exécutée par M. le lieutenant Britsch. Le 3 mars, à la première heure, une colonne de combat comprenant 250 fusils de la mission saharienne et 115 fusils de la mission Afrique centrale, plus les deux canons (un de 80 millimètres et l'autre de 42 millimètres), quitte le camp dans lequel sont laissés tous les bagages, les réserves de munitions, le troupeau, tous les chevaux et chameaux, gardés par 100 hommes, commandés par M. le capitaine Reibell, à qui incombe la tâche ingrate, mais non sans danger, d'assurer les derrières de la colonne, de lui servir de point d'appui et de base d'opération. Vers huit heures un quart du matin, la colonne de combat arrive en vue du rempart de la ville de Koucheri, que l'on distingue vaguement au milieu des buissons et des bois qui l'entourent ; quelques coups de feu, partis du haut de la muraille, saluent la colonne dès qu'elle se montre hors des bois. Elle est formée en ligne de colonnes de compagnies à demi-intervalles de déploiement : la compagnie de droite, sous le commandement du lieutenant Rondeney, comprend les 4e, 5e et 6e sections de la mission saharienne ; la compagnie de gauche, les tirailleurs soudanais sous les ordres du lieutenant Meynier ; la colonne du centre, les 3e, 2e et 1re sections de la mission saharienne et les deux pièces de canon, sous les ordres directs du commandant Lamy. La 3e section, sous les ordres du lieutenant Oudjari, se déploie et gagne, au milieu des buissons, du terrain en avant, pendant que l'artillerie, déchargée des mulets et des chameaux, se met en batterie, la pièce de 42 millimètres commandée par le lieutenant de Chambrun à droite, la pièce de 80 millimètres sous les ordres du capitaine Joalland à gauche. On n'est qu'à environ 300 mètres des murs de la place. Une porte se distingue à l'extrémité du chemin que l'on suit, la muraille à quelques mètres de la porte semble en mauvais état et paraît déjà ébréchée. Le feu de l'artillerie est immédiatement ouvert sur la droite de la porte d'où partent d'assez nombreux coups de feu. Les deux pièces avancent par bonds successifs sous la protection de la 3e section jusqu'à une centaine de mètres de la muraille que l'on bat en brèche ; des tireurs choisis dans chacune des sections surveillent le haut du rempart et le rendent intenable aux défenseurs. Quelques obus allongés font ébouler une partie de la muraille ; le feu de la défense se ralentit, un dernier bond est exécuté et l'on se trouve au pied même du rempart qui n'est pas flanqué : les deux canons sont à quelques mètres de la porte ; des bombes confectionnées avec des pétards de mélinite sont envoyées par-dessus la muraille ; quelques gradés parviennent à se hisser en haut du rempart et ouvrent le feu dans l'intérieur de la place, pendant qu'on rend la brèche plus praticable avec les outils portatifs et que l'on essaie de faire sauter la porte en bois très dur et très massif. Une grêle de projectiles partie des maisons de la ville accueille les premiers hommes qui ont gravi la brèche ; néanmoins, à la sonnerie de la charge, les tirailleurs se poussant les uns les autres escaladent la brèche, atteignent le haut de la muraille et ouvrent un feu bien ajusté sur les défenseurs du rempart qui, se voyant pris à revers, commencent à se débander et à fuir au milieu des maisons de la ville. Le lieutenant Oudjari, un des premiers montés sur le rempart, rassemble les hommes qui ont franchi la muraille et, à leur tête, se précipite, en suivant le pied de la fortification, jusque sur les premières maisons du village, le traverse sans s'y arrêter et vient prendre position à l'autre extrémité de la place sur le rempart qui domine la rivière Logone, à travers laquelle fuient les défenseurs de Koucheri. Mais la rivière est large et n'est pas partout guéable, aussi un grand nombre de fuyards sont-ils tués et noyés. Pendant ce temps, le capitaine Joalland, quittant ses fonctions d'artilleur, prend le commandement du peloton de douze spahis soudanais et se lance à la poursuite des ennemis qui auraient pu fuir par le lit même de la rivière Logone ; ce mouvement est appuyé par la colonne de droite : 4e, 5e et 6e sections de la mission saharienne ; l'interprète auxiliaire Abdoul Sall enlève un étendard à un groupe de soldats en fuite. Toutes les sections passent les unes après les autres par la brèche, finissent par enfoncer la porte de façon à pouvoir faire entrer les pièces de canon qui restent en réserve près de l'entrée de la ville avec une section de Soudanais pendant que tout le reste de la colonne, après avoir traversé la ville au pas de course, vient garnir le rempart au-dessus du Logone et fusille les fuyards qui éprouvent des difficultés à franchir la rivière. Koucheri est pris, mais nous avons à regretter la perte de deux excellents tirailleurs algériens : Edjekouane Hoseine Benarab et Daïdsad Benmansour, morts au champ d'honneur et quelques blessures d'ailleurs insignifiantes. Le soir, le convoi nous rejoint et les deux missions en entier s'installent au cantonnement, dans les différents quartiers de la ville, dont la plus grande partie des habitants n'a pas eu le temps de prendre la fuite. Cette opération fait le plus grand honneur aux officiers et aux hommes qui y ont pris part et qui ont tous déployé un sang-froid et un entrain remarquables. A la suite de la prise de Koucheri, le commandant cite à l'ordre des deux missions : Koucheri, le 12 mars 1900. Le chef de bataillon, commandant les missions « Afrique centrale » et « Saharienne », Certifié copie conforme : **** Mission saharienne et Afrique centrale. Ordre n° 8. Le 8 mars, dans l'après-midi, les nouvelles les plus contradictoires ayant été transmises au commandant Lamy, celui-ci décide dans la soirée d'envoyer une assez forte reconnaissance dans la direction du sud, jusqu'au village de Kabi, qui semble avoir été visité par les partisans de Rabah. La reconnaissance, comprenant 16 hommes par section de la mission saharienne, soit 96 fusils et 30 tirailleurs soudanais qui ont déjà été au village de Kabi dans une reconnaissance antérieure, quitte Koucheri vers neuf heures du soir sous les ordres du lieutenant Rondeney et se dirige vers le Sud. A environ 4 kilomètres de la place, elle est brusquement accueillie par une douzaine de coups de feu qui blessent assez gravement un tirailleur soudanais. Après une courte fusillade qui met en fuite ce parti ennemi, la reconnaissance s'arrête et couche en carré prête à faire face à quelque attaque que ce soit. Le commandant Lamy, prévenu, donne immédiatement l'ordre au lieutenant de Thézillat de quitter Koucheri le lendemain à quatre heures du matin et d'aller avec 36 hommes montés, pris dans toutes les sections, renforcer la reconnaissance du lieutenant Rondeney. Ce détachement rejoint, en effet, la reconnaissance vers six heures et demie du matin et porte son effectif à 162 combattants. La marche en avant vers le sud continue ; les hommes montés servant d'éclaireurs à la reconnaissance qui s'avance très péniblement et très lentement au milieu de taillis d'arbres épineux qui empêchent de rien distinguer à plus de 100 mètres. A un moment donné, le maréchal des logis Bonjean, en pointe avec quelques cavaliers, atteint la rive gauche du Logone et aperçoit, dans une éclaircie de la brousse le long de la rivière, un groupe d'indigènes armés, abreuvant des chevaux. Le lieutenant de Thézillat, commandant les éclaireurs, prévenu, fait exécuter un feu à volonté sur ces indigènes qui prennent la fuite. Le lieutenant Rondeney envoie le lieutenant Oudjari faire un mouvement enveloppant sur la droite, afin de couper la retraite à ces indigènes et de les rejeter dans la rivière qui n'est pas guéable. Le lieutenant Oudjari est en voie d'exécuter son mouvement, lorsqu'il reçoit une décharge nourrie qui lui tue un homme et lui en blesse plusieurs autres ; lui-même est légèrement atteint. En un instant le feu devient très violent, il part de tous les buissons, de tous les taillis sans qu'on puisse bien distinguer les ennemis invisibles qui vous fusillent à bout portant. Le lieutenant Rondeney, suivi par une réserve comprenant les spahis sahariens de la mission saharienne et la section de Soudanais, se porte en avant de façon à soutenir les sections engagées. L'ennemi démasque alors complètement sa position et, profitant d'une énorme supériorité numérique et de la nature du terrain qui lui a permis de se laisser approcher presque sans être vu jusqu'à moins d'une centaine de mètres, dessine un mouvement enveloppant autour de notre troupe dont les rangs sont rompus par des taillis et des fourrés inextricables, qui l'empêchent d'avancer en ordre. Le lieutenant Rondeney fait sonner le rassemblement, forme son détachement en carré et attend sous un feu violent, que l'ennemi qui s'excite au combat par des cris et des chants de guerre et par un tam-tam assourdissant, ait dessiné un mouvement qui lui permette de se jeter sur lui. Au bout de quelques minutes, les combattants ne sont plus qu'à quelques mètres les uns des autres, mais les nègres n'osant pas se jeter sur cette petite troupe bien en ordre qui semble assister impassible à tout le vacarme qui l'environne et à la fusillade qui la décime, le lieutenant Rondeney fait tout d'un coup déployer trois faces du carré, sonner la charge et se jette avec tout son monde à corps perdu sur l'adversaire qui redouble un moment son feu, mais qui fuit bientôt épouvanté devant cette charge furieuse à laquelle il ne s'attendait pas. La section de Soudanais reste en réserve et est chargée de garder les morts et les blessés. En quelques bonds, nos tirailleurs électrisés par l'exemple de leurs officiers, dont deux sont blessés sur trois, sont sur les talons des nègres et peu après, ils atteignent la lisière d'une clairière au milieu de laquelle est installé un vaste camp dont on ne soupçonnait pas l'existence. Deux salves sont immédiatement exécutées sur la masse confuse qui s'agite devant nos hommes, qui se précipitent ensuite, la baïonnette en avant, sur cette foule qui fuit éperdue dans tous les sens. Le camp est traversé au pas de course, la lisière sud est occupée et les dernières salves font disparaître cette masse armée dans les buissons et taillis qui s'étendent de toutes parts. La tente, les bagages, les munitions, le sabre de commandement du fils de Rabah tombent entre nos mains ; de nombreux cadavres recouvrent le sol, mais nos pertes sont très sensibles : outre 2 officiers blessés presque dès le commencement de l'action, la reconnaissance a 2 hommes tués, 3 autres grièvement blessés et 25 autres plus ou moins gravement atteints. Un renfort de 50 tirailleurs soudanais, commandé par le lieutenant Meynier, et un autre de 70 tirailleurs algériens, commandé par le commandant Lamy, arrivent trop tard pour prendre part à l'action. Dans l'après-midi, après que les morts et les blessés ont été évacués sur Koucheri sur les pirogues amenées à cet effet, la reconnaissance reprend sa marche en avant jusqu'au village de Kabi où l'ennemi aurait pu se reformer. Les soldats de Rabah ne s'y sont pas arrêtés ; ils fuient plus loin vers le sud. La reconnaissance rentre le soir même à Koucheri. Les troupes des missions saharienne et Afrique centrale ont enrichi à cette occasion les annales des colonies, déjà si riches en faits d'armes héroïques d'une des plus belles pages qui puissent s'y voir et qui se résume en ceci : une poignée de braves soldats a, pendant deux heures, lutté au milieu de taillis et de fourrés impénétrables, contre un ennemi presque aussi bien armé qu'elle, mais à raison de un contre douze ou quinze assaillants, fanatisés par la présence du fils du plus farouche conquérant nègre de l'Afrique centrale. Honneur à tous, officiers, sous-officiers et soldats qui avez bien mérité de votre patrie et fait honneur à vos aînés ! Le commandant cite à la suite de cette glorieuse affaire à l'ordre des deux missions saharienne et Afrique centrale : Koucheri, le 12 mars 1900. Le chef de bataillon, commandant les deux missions, Certifié pour copie conforme : **** Colonne d'opérations contre Rabah. Ordre n° 10. Enhardi par l'apparente timidité qui nous avait fait, après le combat du Logone, attendre dans Koucheri l'arrivée des troupes du Chari pour en finir définitivement et d'un seul coup avec la puissance de Rabah, ce dernier avait quitté Dikoa pour se rapprocher du Chari sur les bords duquel son camp était installé le 11 avril courant, à 5 kilomètres au nord-ouest de Koucheri. Le célèbre conquérant nègre annonçait insolemment et bruyamment son arrivée en ce point en faisant tirer six coups de canon entendus de la place en l'honneur de la fête de l'Aïd-el-Kébir. Il cherchait non point à dissimuler sa présence, mais à nous attirer au dehors. On reste ainsi en contact immédiat pendant dix jours sans qu'aucune imprudence de notre part ne nous fit sortir de notre attitude expectante et volontairement passive. Nos patrouilles repoussèrent avec succès plusieurs reconnaissances de la nombreuse et excellente cavalerie ennemie. Le 21 avril, à deux heures de l'après-midi, les troupes du Chari arrivaient à Koucheri, d'où elles repartaient le lendemain matin, sans prendre aucun repos, pour marcher au feu. Une colonne d'opérations était formée sous les ordres du commandant Lamy ; elle comprenait, en plus des troupes du Chari, celles de la mission « Afrique centrale » et celles de la mission « saharienne » ; elle était forte de 700 fusils, 30 chevaux des spahis algériens et soudanais et disposait de trois canons de 80 millimètres de montagne et d'un canon de 42 millimètres. Les contingents indigènes du sultan du Baguirmi Gaourang, comprenant un grand nombre de cavaliers, suivaient la colonne d'opérations. Le dispositif de marche pour le combat était pris au sortir même de la place de Koucheri. La marche s'exécutait sur trois colonnes parallèles pendant 5 kilomètres environ. La colonne de droite longeait le Chari, elle comprenait les troupes de la mission « Afrique centrale » sous les ordres du capitaine Joalland, de l'artillerie de marine ; la colonne du centre, formée des troupes du Chari commandées par le capitaine Robillot, était accompagnée de la batterie d'artillerie de quatre pièces commandée par le capitaine Bunoust. La colonne de gauche, composée des troupes de la mission saharienne, sous les ordres du capitaine Reibell, était chargée d'exécuter un mouvement tournant et de couper la retraite de l'ennemi. L'action fut engagée à sept heures et demie du matin par la colonne de droite. Les colonnes du centre et de gauche entrèrent successivement en action. Le camp apparaissait au sommet d'un mamelon dont les vues étaient bien dégagées dans un rayon de 600 à 800 mètres. Il comprenait un vaste réduit central de forme circulaire et d'un diamètre de 300 mètres. Le réduit était très solidement organisé, entouré de palanques renforcées par une levée de terre ; à l'extérieur se trouvait installé un village en paillotes, entouré d'une zériba. Toute la position et particulièrement l'intérieur du réduit fut arrosée par le tir à mitraille de l'artillerie qui tira 74 obus de 80 millimètres et 20 obus de 42, tandis que la violence du feu d'infanterie redoublait sur les faces attaquées à l'ouest et au nord du camp. Après un combat de préparation par le feu de deux heures dans lequel nos hommes brûlèrent 32,000 cartouches, l'assaut fut donné sous l'impulsion de la réserve maintenue au centre à la disposition du commandant Lamy, avec un entrain tel que la position ennemie fut enlevée et traversée d'un seul élan. A l'intérieur du réduit eut lieu un carnage effroyable. C'est à ce moment et alors que le succès était définitivement assuré, qu'un retour offensif des fuyards pour protéger la retraite de Rabah blessé, vint frapper mortellement le chef admirable qui avait conduit ses troupes à une victoire aussi sagement et mûrement préparée que brillamment enlevée. Aux côtés du commandant Lamy et au même moment tombaient le capitaine de Cointet et le lieutenant de Chambrun blessé au bras. Ce court retour offensif était bien vite repoussé et l'ennemi coupé de sa retraite sur le Chari par la colonne de gauche qui, après avoir traversé le réduit, avait gagné les bords du fleuve, se dispersait de tous côtés dans la brousse, cherchant à gagner la seule issue qui lui demeurât ouverte vers le sud-est, c'est-à-dire vers Koucheri. La colonne du capitaine Reibell le poursuivit dans cette direction pendant environ 3 kilomètres appuyée par les cavaliers auxiliaires du Baguirmi qui rapportèrent la tête de Gaddem atteint et tué dans sa fuite. Au même moment, on apportait au camp la tête et la main droite de Rabah, tué par un tirailleur soudanais de la mission Afrique centrale. La victoire était donc décisive et aussi complète qu'on pouvait le désirer. Tous les étendards ennemis étaient tombés entre nos mains, ainsi que les trois canons de quatre provenant du massacre de la mission Bretonnet, dont la mort était une fois de plus vengée. Plus de cinq cents cadavres gisaient à l'intérieur du réduit, parmi eux ceux des principaux chefs d'étendards. La civilisation triomphait d'une façon éclatante au cœur de l'Afrique barbare sous l'égide de la France. Mais notre succès avait été trop chèrement acheté. La mort d'un chef, tel que le commandant Lamy, celle d'un officier aussi valeureux que le capitaine de Cointet sont des pertes irréparables. Elles ont jeté un voile de deuil sur le succès de cette journée. 4 officiers blessés, 1 sous-officier français, le sergent Rocher du 1er régiment de tirailleurs algériens tué, 17 hommes de troupes tués, 55 hommes de troupes blessés constituent le bilan de nos pertes. Celles de l'ennemi ne s'élèvent pas à moins d'un millier de tués tant sur la position enlevée qu'à ses abords ; un grand nombre de prisonniers et un butin immense de chevaux, d'armes, de munitions, d'effets de toute nature complètent nos trophées. La conduite des troupes au combat du Chari a été au-dessus de tout éloge. Les trois missions parties de l'Algérie, du Soudan et du Congo, depuis de si longs mois, ont rivalisé d'ardeur et d'entrain, chacun tenant à prouver à ses camarades qu'en présence de l'ennemi et sous une grêle de balles, les fatigues, les privations, toutes les misères supportées s'effacent comme par enchantement, et que l'irrésistible furia française surmonte tous les obstacles. D'après les renseignements recueillis le camp de Rabah sur le Chari renfermait 5,000 personnes, parmi lesquelles 1,500 armées de fusils de tous modèles, dont un millier à tir rapide, 600 chevaux et trois canons. Il serait resté 500 fusils à Karnak-Logone avec Fadel-Allah et 400 fusils à Dikoa, avec Niébé, les deux fils de Rabah. Les officiers blessés sont MM. les lieutenants Meynier et de Chambrun, atteints grièvement mais sans aucun danger à redouter ; le lieutenant Galland, blessé légèrement, et le capitaine de Lamothe blessé très légèrement. Le capitaine Reibell, de la mission saharienne, a pris, comme étant l'officier le plus ancien, le commandement de la colonne d'opérations contre Rabah en remplacement du commandant Lamy. Il poursuit les restes des forces de Rabah. Les citations suivantes ont été portées par le capitaine-commandant à l'ordre des troupes composant la colonne d'opérations contre Rabah. 1° Troupes du Chari : 2° Troupes de la mission africaine centrale : 3° Troupes de la mission saharienne : Fait à Koucheri, le 24 avril 1900. Le capitaine commandant la colonne d'opérations contre Rabah, **** Colonne d'opérations contre Rabah. Ordre n° 12. Le combat du Chari avait supprimé Rabah et porté un coup mortel à l'empire éphémère créé par lui dans le centre africain, mais le pays était encore infesté par ses bandes, et les fuyards échappés au désastre du 22 avril pouvaient se rallier autour des fils de Rabah dans les deux places fortes de Logone et de Dikoa. Ces débris étaient assez nombreux pour constituer des groupements inquiétants pour notre sécurité. Une poursuite à outrance devait dissiper ce danger. Aussi, après avoir rendu à nos morts les honneurs funèbres et les pieux devoirs d'une sépulture, hélas ! en terre étrangère, les opérations militaires reprenaient leur cours, dès le 24 avril. La majorité des fuyards avaient pris, après le combat du Chari, la direction de Karnak Logone, où ils avaient rejoint Fadel-Allah, le fils aîné de Rabah, qui occupait cette place avec une garnison de 400 fusils, sous les ordres de Faki Ahmed Serir. C'était le noyau le plus voisin de Koucheri et, en apparence, le centre le plus sérieux de reconstitution des forces ennemies. Le 24 avril, un détachement de 50 tirailleurs soudanais, sous les ordres du sergent Suley Taraoré, de la mission « Afrique centrale » remontait en pirogues le Logone pour aller reconnaître la place. Cette avant-garde était appuyée le 25 avril par le gros de la colonne d'opérations, quittant Koucheri à l'effectif de 600 fusils, qui se portait à 28 kilomètres dans la direction de Logone au campement de Tidem. En ce point parvenaient dans la soirée les résultats de la reconnaissance du sergent Suley Taraoré, qui avait trouvé la ville de Logone abandonnée par Fadel-Allah et mise au pillage par les habitants du pays, qui s'étaient emparés de toutes les richesses qu'une fuite précipitée avait fait abandonner. C'est à Dikoa que se réunissait le restant des forces de Rabah. Cette ville, la capitale de son empire, devenait dès lors l'objectif de la colonne d'opérations. Il fallait revenir le 26 avril à Koucheri pour prendre, dès le 27, la seule route présentant des ressources en eau suffisantes pour une colonne telle que la nôtre. Cette route descendait le Chari jusqu'à Malten, à 30 kilomètres de Koucheri et suivait ensuite le bras occidental du delta du Chari en se dirigeant vers l'ouest par Afadé, à 22 kilomètres de Malten, et Tingoumun à 8 kilomètres d'Afadé. De ce point jusqu'à Dikoa, il restait un espace de 60 kilomètres sans eau, ou à peu près, à franchir, avant d'atteindre les environs de Dikoa. Cette distance fut parcourue en une seule marche de nuit coupée par un long repos de trois heures. Cet effort amenait la colonne, le 30 avril, au village d'Oursellé, à 20 kilomètres seulement de Dikoa. Nous y trouvâmes les nouvelles les plus contradictoires sur les projets de ennemi. Il n'y avait qu'une façon de les contrôler : aller de l'avant. Le 1er mai, la colonne se portait sur Dikoa par Adjiri, où elle apprenait que la capitale avait été évacuée le matin même. Il fallait se hâter d'y arriver pour mettre fin au pillage commencé aussitôt après le départ des troupes de Rabah par les habitants des villages environnants et les quelques rares habitants de la banlieue de Dikoa, qui n'eussent pas été contraints de force à suivre Fadel-Allah. C'était la migration de tout un peuple laissant derrière lui une ville déserte. L'aspect en était imposant. Au centre, entouré d'une enceinte continue, l'emplacement où s'élevaient les palais de la famille de Rabah et ceux de tous les grands chefs militaires ; à l'extérieur, rendant les abords de la muraille très difficiles, les quartiers occupés par le menu peuple et les prisonniers bornouans ou baguirmiens. Plus loin encore les maisons de campagne de Rabah et de quelques grands personnages, les casernes des troupes de la garnison de Dikoa, enfin le quartier occupé par une centaine de marchands tripolitains, dont aucun n'avait quitté Dikoa. Il fallait occuper la ville au plus vite pour mettre fin au pillage par les indigènes. Le palais de Rabah fut occupé par les troupes du Chari et par l'artillerie. Les troupes de la mission « Afrique centrale » occupèrent le palais de Fadel-Allah, celles de la mission saharienne le palais de Niébé. Les troupes étaient installées depuis deux heures lorsqu'une explosion formidable vint jeter l'alarme dans les cantonnements. Une colonne épaisse de fumée s'élevant au-dessus de la maison du Rabah, indiquait l'emplacement de l'accident : les flammèches provenant de l'explosion mettaient le feu en différents points de la ville qui semblait devoir être la proie d'un immense incendie. Les explosions succédaient aux explosions et c'est un miracle qu'il ne se soit pas produit d'accident de personnes mortel parmi les troupes du Chari qui occupaient le local même d'où le feu s'était propagé. Seuls, les deux officiers d'artillerie, le capitaine Bunoust et le lieutenant Martin, qui procédaient au même instant à la visite de la poudrière, furent atteints par les flammes et brûlés, le premier très grièvement, le second assez légèrement. Ils purent sauver tout le matériel et toutes les munitions de leur artillerie avec l'aide du maréchal des logis Papin, dont le dévouement et le courage furent, dans ces circonstances périlleuses, au-dessus de tout éloge ; seuls, quelques fusils des troupes du Chari furent perdus dans ce sinistre, dont la cause n'a pu être nettement établie et qui ne parait cependant pas pouvoir être attribué à la malveillance. Finalement, l'incendie fut limité à la poudrière de Rabah sans même que le reste de son immense palais fût très sérieusement endommagé et cet accident qui aurait pu avoir des suites terribles n'eut pas d'autres conséquences que de retarder de quelques heures le départ du détachement de poursuite, composé des éléments les plus mobiles de la colonne qui devait se lancer immédiatement sur les traces de Fadel-Allah. Ce détachement qui comprenait 10 spahis algériens, 20 spahis soudanais, 50 tirailleurs montés à cheval, 30 tirailleurs montés à chameau de la mission saharienne, 40 tirailleurs soudanais montés à chameau, quitta Dikoa le 1er mai à onze heures du soir, sous les ordres du capitaine Reibell. Il parcourut rapidement, pendant une marche de nuit dans une obscurité épaisse, 40 kilomètres et le lendemain matin, 2 mai, à sept heures et demie, il tombait sur la smala de Fadel-Allah, formant un camp immense, établi sur les bords d'une vaste dépression, dont l'écoulement est vers le Tchad et dans laquelle l'eau se trouve en grande abondance à peu de profondeur. Le lieu porte le nom de Déguemba. Après un combat qui dura une heure environ, qui fut très vif et au cours duquel les troupes de Fadel-Allah, au nombre de 700 à 800 fusils, chargèrent notre petite colonne de combat jusqu'à moins de 50 mètres, le camp ennemi fut enlevé dans une charge irrésistible menée sur une distance de près de 2 kilomètres avec un élan remarquable par les lieutenants Rondeney et Britsch. Dix étendards furent pris avec tout le convoi de poudre et de munitions, les bagages personnels de Fadel-Allah, son harem, plus de 300 fusils et un grand nombre de prisonniers. Pendant toute la journée, les soldats ennemis qui s'étaient dispersés dans la brousse et que la soif tenaillait vinrent se rendre en masse. Le petit nombre de notre cavalerie, l'état de nos chevaux ne nous permit pas d'atteindre Fadel-Allah et son frère Niébé, qui s'étaient enfuis à toute allure avec un grand nombre de cavaliers. Sur le terrain, on reconnut le cadavre de Faki-Amed el Kébir, gouverneur de Dikoa, qui était venu se faire tuer courageusement jusque sur nos baïonnettes. Ce beau succès ne nous avait coûté que deux blessés parmi lesquels le médecin aide-major de 1er classe Haller qui, accompagnant, suivant sa courageuse habitude, la ligne même du combat, avait eu la cuisse brisée par une balle, et qui, dans une colonne où personne n'avait par bonheur besoin de ses secours, ne trouvait personne qui pût lui donner les soins qu'exigeait la gravité de sa blessure. Le détachement de poursuite dut s'arrêter deux jours à Déguemba, pour attendre l'arrivée d'un médecin, appelé de Dikoa, et pour mettre un peu d'ordre et d'organisation dans le millier d'individus que la prise de la smala de Fadel-Allah nous mettait sur les bras. Les ressources en vivres trouvées dans le camp étaient nombreuses : plus de 500 bœufs, une centaine de moutons, du mil en quantité. Le 3 mai, un détachement allait reconnaître la direction de fuite prise par Fadel-Allah, qui avait remonté dans la direction du sud, le cours d'eau indiqué par Barth, sous le nom d'Yadzéram. Le 5 mai, à sept heures du matin, le détachement de poursuite repartait à la suite de son insaisissable ennemi ; il comprenait 8 spahis algériens, 15 spahis soudanais, 60 tirailleurs à cheval de la mission saharienne, 40 tirailleurs algériens à pied, 20 tirailleurs soudanais montés à chameau, une pièce de canon de 42 millimètres à chameau, 5 tirailleurs algériens à chameau, servant la pièce. Sur cet effectif total de 148 hommes, les 40 tirailleurs algériens à pied et la pièce de canon ainsi que ses servants étaient arrivés pendant la nuit même de Dikoa et avaient déjà parcouru 40 kilomètres. Les spahis algériens avaient été chercher ce renfort et étaient revenus avec lui, ils étaient en selle depuis 80 kilomètres au moment du départ. La garde de notre camp et de nos blessés à Déguemba fut confiée à 60 hommes sous les ordres du capitaine Joalland. La marche fut reprise sans interruption pendant 145 kilomètres jusqu'au moment où l'on rejoignit les fuyards. Le détachement arriva à Jaloé, à 15 kilomètres de Déguemba, où eut lieu un long repos de dix heures du matin à cinq heures du soir. La marche reprise sur Kabori où l'on arrivait à quatre heures et demie du matin le 6 mai, après une marche de nuit qu'une violente tornade et une pluie torrentielle avait interrompue pendant trois heures. On continua sur le village abandonné d'Ourga et l'on s'arrêta pour une grande halte de dix heures et demie à midi. On atteignit à cinq heures du soir le village de Médoubé que Fadel-Allah avait quitté le matin même, où ses feux brûlaient encore, et où l'on trouvait comme sur le reste de son parcours de nombreux vestiges des atrocités commises par ce digne fils de Rabah, qui razziait tout sur son passage, emmenait de force les populations, se constituait une nouvelle smala plus nombreuse que l'ancienne et faisait exterminer sans pitié tous les traînards laissés sur ses derrières. Cependant sa marche était loin d'être facile : privé de munitions. ne disposant plus que de quelques cartouches portées par ses soldats, il était en butte aux attaques incessantes des indigènes du pays, gens du Gamerghou ou Kourdis, païens armés d'arcs et de flèches empoisonnées, chasseurs de gazelles et d'antilopes, qui chaque jour lui tuaient du monde. Il s'était arrêté à Isségué, à l'entrée du pays des Mandaras, où il devait rencontrer une hostilité déclarée de la part du sultan de Doloo, dont le père avait été tué par Rabah. Fadel-Allah comptait établir un camp fortifié à Isségué et y attendre des jours meilleurs. Il fallait le surprendre par la soudaineté de notre apparition. On fit un long repos, à Médoubé, de six heures du soir à minuit. On repartait le 7 mai à minuit, et à sept heures du matin le détachement arrivait à Isségué, en face du camp de Fadel-Allah. Les 145 kilomètres avaient été franchis en quarante-huit heures. Le lieutenant Oudjari et ses hommes en avaient parcouru 185 en trois nuits et deux jours. Les spahis algériens 225 en trois nuits et trois jours. En vue de l'ennemi personne ne se ressentait de ses fatigues. Quelques coups de canon, quelques salves de fusil dispersèrent comme une volée de moineaux, les derniers soldats de Fadel-Allah, qui s'enfuit avec 200 cavaliers à peine, nous abandonnant une seconde fois tout son camp et le produit de ses dernières rapines. Les spahis dont les chevaux étaient en parfait état lui donnèrent une chasse vigoureuse. Le brigadier Suleyman Sésibé, avec le détachement de spahis soudanais, parfaitement monté, regagna la tête de la colonne des fuyards, fit mettre pied à terre à ses cavaliers et exécuta des feux de salve sur l'ennemi jusqu'au complet épuisement de ses munitions. Il tua ainsi, parmi les personnes importantes de l'entourage de Fadel-Allah, qui fut épargné, Niébé son frère, Abed gendre de Rabah, et Bandas, chef d'étendard. Deux étendards tombèrent encore entre nos mains, ainsi qu'une centaine de fusils, parmi lesquels dix gros fusils de remparts. La poursuite, appuyée par quatre sections de tirailleurs algériens à cheval, ne permit qu'à un petit groupe de cavaliers parfaitement montés de nous échapper. Ceux-ci, privés de tout, sans vivres, sans munitions, sans femmes, sans domestiques, traqués par les indigènes armés de flèches, arrêtés en avant par les Mandaras, leurs ennemis mortels, étaient réduits aux abois. Il ne leur restait plus qu'à périr dans les rochers où ils s'étaient réfugiés ou à se rendre. Le programme tracé au commandant de la colonne était rempli. Il avait débarrassé le centre africain des dernières bandes rabistes, mises définitivement hors d'état de nuire à qui que ce soit. Il fallait songer au retour et organiser le rapatriement de cette population de plus de 6,000 individus parmi lesquels 5,000 femmes de tout âge, de toutes conditions, depuis la femme de Fadel-Allah, Hadja, fille du cheick Senoussi, depuis la femme de Rabah jusqu'aux plus misérables vieilles, se traînant à peine. On consacra la soirée du 7 et la matinée du 8 mai aux préparatifs de retour. Cependant, avant de quitter Isségué, le capitaine commandant la colonne, voulut faire parvenir à Fadel-Allah la proposition de se rendre. Il lui écrivit une lettre dans ce sens, que trois des prisonniers de la veille, parmi lesquels le chérif Mohamed Salah, originaire du Caire et envoyé de Zobeir pacha auprès de Rabah, se chargèrent de porter à Fadel-Allah sous la conduite de deux indigènes du pays. La réponse à ces ouvertures devait lui parvenir à Dikoa. La colonne, précédée de ce troupeau humain, dont elle avait maintenant la charge, quitta Isségué le 8 mai, à deux heures de l'après-midi, pour aller coucher à Médoubé, à 30 kilomètres plus au nord. Elle transportait également un douloureux fardeau dans la personne du sergent Couillé, du 1er tirailleur algérien, qui s'était mortellement blessé au bas-ventre en détruisant les armes démodées prises à l'ennemi. Ce malheureux sous-officier qui était le type du dévouement, du zèle et de la bonne volonté, succomba pendant le trajet et fut inhumé à Médoubé. Il emportait les regrets unanimes de ses chefs qui l'aimaient et de ses subordonnés dont il était le modèle. Le 9 mai, la colonne atteignit, après une marche de 55 kilomètres, le groupe de villages de Kahori, qui présentaient des ressources suffisantes pour sa subsistance. Le 11 mai, elle rentrait à son camp de Déguemba, ayant franchi une nouvelle distance de 55 kilomètres. Il ne restait plus qu'à ramener à Dikoa les captifs libérés à la suite des combats des 2 et 7 mai, et parmi lesquels se trouvaient des épaves de toutes les catastrophes fatales aux entreprises européennes, en Afrique, durant le cours des vingt dernières années. Anciens combattants de Khartoum, Sénégalais de l'escorte de Crampel, débris de la mission Bretonnet, Sénégalais et domestiques de M. de Béhagle, Tripolitains et Egyptiens plus ou moins mêlés à ces différents drames, formant un ensemble de témoins qui pouvaient contribuer à jeter un jour complet sur les points demeurés obscurs de ces lamentables affaires. La colonne d'opérations était concentrée le 13 mai au soir à Dikoa, où le capitaine commandant la colonne recevait le rapport du commandant des troupes du Chari, sur les événements qui s'étaient passés dans la capitale, pendant la durée de la poursuite de Fadel-Allah. Grâce au tact et à l'énergie du capitaine Robillot, l'ordre n'avait pas tardé à être rétabli dans la ville livrée pendant deux jours à un pillage désordonné par des indigènes de toute catégorie qui s'étaient rués sur la proie que l'incendie du 1er mai et l'évacuation de la ville par nos troupes mettaient à leur merci. Les troupes du Chari avaient eu le temps de se remettre des fatigues, des longues séries d'étapes auxquelles était venu s'ajouter l'effort que le commandant de la colonne avait été dans la nécessité de leur demander, en les portant de Koucheri à Dikoa, en cinq fortes étapes, dont une de 60 kilomètres. On retira des décombres de l'arsenal de Rabah 35 canons de remparts de modèles anciens et plus ou moins hors d'usage, 28 charges de poudres et de munitions qui, avec 120 fusils environ ; provenant des soldats de Rabah qui étaient venus se rendre à Dikoa, après le combat de Déguemba, furent remis au Fatcha, commandant le détachement de 100 cavaliers auxiliaires fourni par le sultan de Baguirmi pour être transportés à Koucheri. A Dikoa également étaient venus se rendre directement deux Tripolitains, secrétaires de Rabah et de Fadel-Allah, au courant de toutes les richesses et de tous les approvisionnements laissés dans les palais de Dikoa et à Karnak-Logone. Ils confirmèrent le renseignement déjà parvenu de sources différentes, qu'il n'existait pas à Dikoa de trésors cachés et que tout ce qui n'avait pu être emporté avait été laissé dans des magasins, que nous avions trouvés complètement pillés. Il en avait été de même à Karnak Logone, au moment du départ de Fadel-Allah. Nous nous bornâmes à prendre le mil et les animaux nécessaires à la résistance de nos troupes sur le Chari. Le chef d'étendard Cheikh Dhabb, originaire du Ouadaï, le Soudanais égyptien, Zaïn-Ed-Din, envoyé du Khalife Abdullahi auprès de Rabah pour solliciter son alliance contre les Anglais, les nommés Baroud et Chériff étaient également venus demander l'aman à Dikoa ; ils furent ramenés à Koucheri. Au départ de Dikoa, le 16 mai 1900, le capitaine commandant la colonne n'avait pas encore reçu de nouvelles de l'ambassade envoyée auprès de Fadel-Allah, dont le chériff Mohammed Salah était chargé. Le séjour en territoire étranger rendu nécessaire par les opérations contre Rabah ne pouvait être prolongé plus longtemps. La colonne se remettait en marche sur Koucheri les 15 et 16 mai 1900. Elle formait trois échelons pour lui permettre de profiter plus aisément pour elle-même, pour les nombreux troupeaux et pour le personnel auxiliaire de toute nature qu'elle traînait à sa suite, des ressources peu abondantes en eau existant dans la région entre Dikoa et le Chari. Les deux premiers échelons commandés l'un par le capitaine Joalland, l'autre par le capitaine Robillot, se suivaient à un jour d'intervalle, sur une route passant par Gadjébo et par Angalla et atteignant au-delà de cette localité le marigot d'Afadé ; le troisième échelon avec lequel marchait le commandant de la colonne, transportait sous l'escorte de 50 hommes des troupes du Chari, commandés par le capitaine de Lamothe, les officiers blessés, et reprenait au retour, la même route qu'à l'aller. Cet échelon rejoignit à Afadé, le 19 mai, celui du capitaine Joalland. Tous deux rentraient ensemble à Koucheri le 21 mai. La colonne d'opérations passait aussitôt sur la rive droite du Chari. Elle venait s'installer au point de la rive française qui doit porter le nom de Fort-Lamy et perpétuer le souvenir du chef regretté dont les sages prévisions avaient assuré le succès décisif du 22 avril et préparé les heureux résultats obtenus par le détachement de poursuite de Fadel-Allah. Nous sommes tous profondément reconnaissants à M. le commissaire du Gouvernement au Chari de l'hommage éclatant rendu ainsi à celui dont la perte nous laisse inconsolables, sur les lieux mêmes qui ont vu son triomphe et sa fin héroïque. Au moment de se séparer des troupes qu'il a eu l'honneur de commander du 22 avril au 22 mai, le capitaine commandant la colonne a tenu à leur adresser ses félicitations pour le zèle, l'entrain et la bonne volonté dont elles ont fait preuve au cours d'une campagne que la longueur des étapes parcourues, et l'état de la température rendirent des plus pénibles. Il a rencontré chez ses camarades et chez ses subordonnés un concours dévoué qui lui a permis de surmonter toutes les difficultés et de mener à bonne fin la tâche qui lui était confiée. Il les en remercie de tout cœur. Mais il tient à signaler particulièrement aux yeux de tous le bel exemple de discipline et de subordination militaire donné par le commandant des troupes du Chari qui, placé, par suite d'un événement douloureux, sous les ordres d'un camarade plus ancien que lui de quelques jours à peine, n'a cessé de le seconder avec le plus absolu dévouement et la plus entière abnégation. Cette conception élevée de ses devoirs de soldat fait le plus grand honneur à M. le capitaine Robillot. Elle est bien digne de son nom et des belles traditions militaires de sa famille. Elle prouve une fois de plus combien cet officier est digne du commandement important et difficile qui lui est réservé. Le capitaine commandant la colonne lui adresse, avec ses remerciements, tous ses vœux de réussite. La conduite des troupes de la mission « Afrique centrale » a été également au-dessus de tout éloge. Malgré les difficultés par lesquelles elles avaient passé, elles avaient su conserver ces qualités d'endurance et de discipline qui ont permis aux soldats qui la composaient d'atteindre le Chari. Le mérite d'avoir obtenu ces résultats surprenants revient à M. le capitaine Joalland et au lieutenant Meynier auxquels est dû le succès de la tentative hardie, conçue et exécutée par eux. Les troupes de la mission saharienne pouvaient s'enorgueillir également du véritable tour de force qu'elles venaient de réaliser ; elles étaient la première troupe française ayant réussi à traverser le Sahara, cette barrière réputée infranchissable entre nos possessions du nord de l'Afrique et le cœur même du continent noir. Elles avaient établi le protectorat français sur tout le pays d'Aïr et contribué aussi à jeter un lustre nouveau sur le nom de la France au cœur même du pays touareg. Partout où elles étaient passées, elles avaient fait honneur à leur pays et à la civilisation. La fatalité a voulu qu'un deuil cruel vint assombrir leur triomphe. Le chef admirable grâce auquel toutes les difficultés de l'entreprise avaient été surmontées a succombé en plein succès, à l'heure où il n'y avait plus qu'à en recueillir les lauriers, où tout devenait facile, aisé, où il n'y avait plus qu'à songer aux joies du retour. Ce coup nous a frappés tous en plein cœur. Les opérations, exécutées à la poursuite des fils de Rabah, ont fait ressortir une fois de plus les qualités éminentes d'entraînement et d'aptitude, au mouvement qu'un tel chef avait su faire acquérir à ses soldats. Nous conserverons le culte de sa mémoire et nous continuerons à l'honorer comme il convient, en travaillant passionnément à la grandeur de notre pays partout où l'on voudra bien faire appel aux soldats de l'Algérie. Le capitaine commandant la colonne a cité à l'ordre du jour des troupes placées sous ses ordres : 1° Troupes du Chari : 2° Troupes de la mission « Afrique centrale » : 3° Troupes de la mission saharienne : Fait à Koucheri, le 22 mai 1900. Le capitaine commandant la colonne d'opérations, |