ORDRE DE LA COURONNE DE FER
- 5 juin 1805 -
L’Ordre de la Couronne de fer ne fut pas, à proprement parler, un Ordre purement français, et ce dès sa création. Mais de par son géniteur, l’Empereur Napoléon Ier, et les très nombreux français qui reçurent son insigne ; il serait difficile de passer sous silence, dans cet ouvrage, cette importante décoration qui deviendra ultérieurement autrichienne.
Dans la cathédrale de Milan, le 23 mai 1805, l’Empereur Napoléon Ier, proclamé Roi d’Italie le 18 mars, en ceignant la couronne des anciens rois de Lombardie, s’autocouronnait en prononçant en langue italienne la formule rituelle « Dieu me l’a donnée, gare à qui la touche. »
Cette légendaire couronne de fer, de style byzantin, aurait été réalisée en 591 sur l’ordre de Théodelinde, veuve du roi lombard Authari, pour son futur époux Agilulf. Le nom de cette couronne provient de la légende selon laquelle, un clou de la vraie croix du Christ aurait été fondu pour réaliser un cercle de fer qui la compose. Elle fut donc un puissant symbole, porté notamment par Charlemagne en 774, et par Charles Quint en 1530.
Napoléon, monarque du nouveau royaume d’Italie, envisagera rapidement de fonder un Ordre de chevalerie.
C’est ainsi que fut créé, le 5 juin 1805, l’Ordre de la Couronne de fer, destiné en particulier, à s’assurer de la fidélité d’une élite défendant la royauté instaurée par Napoléon. Ce dernier devenait, sa vie durant, Grand maître de l’Ordre, en qualité de fondateur ; cette fonction devant revenir ensuite aux rois d’Italie. C’est le ministre des relations extérieures du royaume d’Italie, Ferdinando Marescalchi, qui fut chargé de la chancellerie de l’Ordre.
L’Ordre de la Couronne de fer se composait de 500 Chevaliers, 100 Commandeurs et 20 Dignitaires, qui étaient intronisés, le jour de l’Ascension, dans l’église métropolitaine de Milan. Ils devaient prêter serment de dévotion « à la défense du Roi, de la couronne et de l’intégralité du royaume d’Italie, et à la gloire de son fondateur. »
Le 15 mai 1806 en l’église Saint-Amboise de Milan, le vice-roi d’Italie, Eugène de Beauharnais, procédait à la première remise de décorations.
En vue de récompenser les soldats français, dont les succès militaires contribuèrent à la fondation du royaume d’Italie, l’on réserva, lors de la création de l’Ordre, un contingent spécial de 200 Chevaliers, 25 Commandeurs et 5 Dignitaires.
Le décret du 19 décembre 1807, augmenta le contingent normal de l’Ordre, de 300 Chevaliers, 50 Commandeurs et 15 Dignitaires. Un autre décret, en 1810, permit la transmission héréditaire, par ordre de primogéniture, du titre de Chevalier de l’Ordre de la Couronne de fer, après avoir obtenu des lettres patentes sous condition de revenu net de 3 000 livres.
L’Ordre de la Couronne de fer fut très prisé et considéré. Citons parmi ses titulaires, le nom de quatre maréchaux français : Charles Pierre François Augereau, Jean-Baptiste Bernadotte, Louis-Alexandre Berthier et André Massena. Bien évidemment, des italiens furent admis dans l’Ordre, tels le ministre des Finances Prima ; le ministre de la Guerre, le général Domenico Pino ; le président du Sénat, le comte Giovanni Paradisi ; l’archevêque de Milan ou bien encore le chanteur Girolamo Crescentini.
En 1813, la France perdait le royaume d’Italie et il était de ce fait permis de penser, que l’Ordre de la Couronne de fer disparaîtrait rapidement. Il n’en fut rien, car lorsque l’Empereur d’Autriche François Ier reprit le Milanais, il plaça en 1814, l’Ordre de la Couronne de fer aux côtés des autres Ordres autrichiens. L’on réorganisa l’institution et autorisa les titulaires à ne porter, dans un premier temps, que seulement le ruban. Puis l’insigne d’origine fut modifié, avec le remplacement de l’aigle impérial napoléonien par l’aigle bicéphale de la maison d’Autriche ; le ruban restant celui d’origine. C’est ce que l’on appela « l’Ordre de remplacement », qui fut alors remis aux anciens titulaires. Mais parmi les militaires français, seuls les titulaires officiers purent recevoir cet Ordre de remplacement, car pour les titulaires non officiers, l’Empereur François Ier créa la Médaille pour le Courage.
En France, le Roi Louis XVIII déclarait de son côté, dans son ordonnance du 19 juillet 1814 : « Ceux de nos sujets qui ont obtenu la décoration de la Couronne de fer continueront de la porter, à la charge par eux de se pourvoir auprès du nouveau souverain du pays auquel cet Ordre appartient pour en obtenir l’autorisation. »
Enfin, le 1er janvier 1816, François Ier d’Autriche institua l’Ordre impérial de la Couronne de fer. Son insigne était à peu près similaire à l’Ordre de remplacement, la différence se faisant dans la couleur du ruban qui devint orange, avec un liseré bleu. Ce nouvel Ordre pris pour devise « Avita et Aucta » traduisible par « Reçu et Augmenté ». L’ancien Ordre de la Couronne de fer créé par Napoléon renaissait d’une certaine manière, mais en devenant alors totalement Autrichien.
L’Ordre de la Couronne de fer récompensait les services rendus à la Couronne d’Italie, tant dans la carrière des armes, que dans celle de l’administration, de la magistrature, des lettres ou des arts.
TITULAIRES GRANDS DIGNITAIRES ET COMMANDEURS Napoléon, empereur des Français, roi d'Italie, grand-maître.
Grands dignitaires M. le comte Codronchi, archevêque de Ravenne, grand aumônier du royaume d'Italie, sénateur.
Français décorés de l'Ordre de la Couronne de Fer Grands dignitaires S.A.I. le vice-roi d'Italie, archi-chancelier d'État. Commandeurs S. Ex. M. le comte Andréossy, général de division, grand-chancelier de l'Ordre des Trois-Toisons d'Or,
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Jaune bordé de chaque côté par un liseré vert ; la couleur jaune pouvant varier du jaune pâle au jaune orangé.
Cravate permettant le port en sautoir pour le grade de Commandeur.
Les dignitaires portaient en écharpe un grand cordon constitué par un large ruban, brodé jusqu’en 1806 de trois couronnes.
Le ruban de la Couronne de fer sera réutilisé par Napoléon III, lorsqu’il créa, en 1851, la Médaille militaire.
L’Ordre impérial autrichien de la Couronne de fer utilisait un ruban orange bordé de chaque côté par un liseré bleu.
L’insigne des Chevaliers était en argent, celui des Commandeurs et des Dignitaires en or.
Premier modèle
Insignes double face représentant la couronne lombarde, à dix pointes émaillées de bleu azur apparaissant derrière des fleurons. Un petit médaillon d’or, posé sur les deux pointes centrales, représentait l’effigie laurée de Napoléon Ier, et sur la base de la couronne, faisant le tour de la décoration, un bandeau émaillé de bleu portait la légende :
DIEU ME L’A DONNEE, GARE A QUI Y TOUCHERA.
De la couronne lombarde émergeait l’aigle impérial, aux ailes déployées et la tête tournée vers la gauche.
Second modèle ( à partir de 1809 )
Insignes différents du modèle précédant, essentiellement, par les pointes de la couronne lombarde qui furent pommetées et par la légende traduite en italien :
DIO ME LA DIEDE, GUAI A CHI LA TOCCA.
Créée en septembre 1806, la plaque des dignitaires fut d’abord une étoile brodée, puis devint un insigne métallique, à six rayons principaux constitués par de fins rayons secondaires, dont le centre portait un médaillon représentant sur un fond d’argent, l’effigie en or de Napoléon Ier couronné.
Cette partie centrale du médaillon était entourée par un cercle d’or sur lequel reposaient trois couronnes séparées par trois aigles. Le médaillon central était entouré par la légende :
DIEU ME L’A DONNEE, GARE A QUI Y TOUCHERA.
Cette devise sera, à partir de 1809, en italien ( plaque du second type ) : DIO ME LA DIEDE, GUAI A CHI LA TOCCA.
Insigne double face en or, représentant la couronne lombarde, émaillée de jaune et incrustée de pierres vertes et rouges. L’aigle impérial bicéphale couronné surmontait la couronne lombarde et portait sur le corps, un écusson émaillé de bleu et orné, sur l’avers, de l’initiale F. de l’Empereur François Ier d’Autriche, et, sur le revers, de la date 1815.
( Liste non exhaustive )
Source :
Bibliothèque nationale de France
Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, Empereur des Français et Roi d’Italie.
La consulte-d’état et la députation extraordinaire des collèges décrètent, et nous ordonnons ce qui suit :
Art. I à LVIII. — [...]
§. Ier
Création et organisation.
LIX. — Afin d’assurer par des témoignages d’honneur une digne récompense aux services rendus à la couronne, tant dans la carrière des armes, que dans celle de l’administration, de la magistrature, des lettres ou des arts, il sera institué un Ordre sous la dénomination d’Ordre de la Couronne de fer.
LX. — Cet Ordre sera composé de cinq cents chevaliers, cent commandeurs et vingt dignitaires.
LXI. — Les Rois d’Italie seront grands-maîtres de l’Ordre.
Néanmoins, l’Empereur et Roi Napoléon, en sa qualité de fondateur, en conservera, sa vie durant, le titre et les fonctions, dont ils ne jouiront qu’après lui.
LXII. — Deux cents places de chevaliers, vingt-cinq de commandeurs, et cinq de dignitaires, sont affectées spécialement pour la première formation, aux officiers et soldats français qui ont pris une part glorieuse aux batailles dont le succès a le plus contribué à la fondation du royaume.
§. II
Décoration.
LXIII. — La décoration de l’Ordre consistera dans la représentation de la couronne lombarde, autour de laquelle seront écrits ces mots : « Dieu me l’a donnée, gare à qui y touchera. »
Cette décoration sera suspendue à un ruban de couleur orange avec liserés verts.
LXIV. — Les chevaliers la porteront en argent attachée au côté gauche.
Les commandeurs la porteront en or attachée de la même manière.
Les dignitaires la porteront au cou et en sautoir.
§. III
Nomination, réception et serment.
LXV. — Le grand-maître nommera à toutes les places de l’Ordre.
LXVI. — Les commandeurs seront choisis parmi les chevaliers, et les dignitaires parmi les commandeurs. En conséquence, et pour la première formation, tous les membres de l’Ordre seront nommés chevaliers.
LXVII. — Chaque année, au jour de l’Ascension, il sera pourvu aux places vacantes.
LXVIII. — Tous les chevaliers, commandeurs, et dignitaires se réuniront ledit jour en chapitre général dans l’église métropolitaine de Milan ; aucun ne pourra être dispensé d’y assister sans avoir fait agréer les motifs de son absence au grand-conseil dont il sera parlé ci-après.
LXIX. — Les nouveaux chevaliers prêteront serment en chapitre général, et il sera procédé à leur réception, conformément au cérémonial qui sera réglé.
LXX. — L’éloge historique de ceux des membres de l’Ordre morts pendant l’année sera prononcé dans cette solennité. L’orateur fera l’histoire des nouveaux services qu’ils auront rendus depuis leur nomination. Il rappellera les principes sur lesquels l’Ordre est fondé ; et les circonstances qui ont précédé sa formation.
LXXI. — Le serment des chevaliers est conçu en ces termes : « Je jure de me dévouer à la défense du Roi, de la couronne, et de l’intégrité du royaume d’Italie, et à la gloire de son fondateur. »
LXXII. — Les princes de la maison du grand-maître, les princes des maisons étrangères et les autres étrangers auxquels les décorations de l’Ordre seront accordées ne compteront point dans le nombre fixé par l’art. LXII.
§. IV
Dotation et administration.
LXXIII. — Il sera affecté à la dotation de l’Ordre un revenu de quatre cents mille livres de Milan sur le Monte Napoléon.
LXXIV. — Les membres de l’Ordre jouiront d’un traitement annuel ; savoir :
Pour les chevaliers, de………………..300 liv.
Pour les commandeurs, de……………700
Pour les dignitaires, de………………3000
LXXV. — Il sera réservé, sur le revenu de cette dotation, une somme annuelle de 100,000 liv. pour les pensions extraordinaires que le grand-maître jugera à propos d’accorder à des chevaliers, commandeurs ou dignitaires. Ces pensions seront à vie.
LXXVI. — Les grands-dignitaires composeront le grand conseil d’administration de l’Ordre.
Un chancelier et un trésorier de l’Ordre seront choisis parmi les dignitaires ;
Un maître des cérémonies parmi les commandeurs ;
Deux aides de cérémonie parmi les chevaliers.
LXXVII. — [...]
Mandons et ordonnons que les présentes revêtues des sceaux de l’État, insérées au Bulletin des Lois, soient adressées aux tribunaux et autorités administratives, pour qu’ils les transcrivent sur leurs registres, les observent et les fassent observer, et notre secrétaire-d’Etat de notre royaume d’Italie, est chargé de veiller à l’exécution du présent.
Donné en notre palais de Milan, le 6 juin 1805, et de notre règne le premier.
Napoléon.
Par S.M. l’Empereur et Roi,
L. Vaccari.
Vu par nous chancelier garde-des-sceaux de la couronne, Melzi.
Paris, 19 juillet 1814.
Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er. — Ceux de nos sujets qui ont précédemment obtenu la décoration de l'Ordre de la Réunion, continueront de la porter, chacun dans le grade qu'il occupait, et de la même manière.
Art. 2. — L'administration de cet ordre dépendra de la chancellerie de la Légion d'honneur.
Art. 3. — Ses frais d'administration feront partie du budget de la Légion d'honneur.
Art. 4. — Les ordres dits de Westphalie et d'Espagne sont abolis ; défenses sont faites à tous nos sujets d'en prendre le titre et d'en porter la décoration.
Art. 5. — Ceux de nos sujets qui ont obtenu la décoration de la Couronne de fer continueront de la porter, à la charge par eux de se pourvoir auprès du souverain du pays auquel cet ordre appartient, pour en obtenir l'autorisation.
Louis.
Le ministre de la Maison du Roi, Blacas d'Aulps.
Grande chancellerie de la Légion d'honneur
Son excellence le duc de Richelieu, ministre des affaires étrangères, a transmis officiellement au grand-chancelier la note suivante :
Publication
« L'Ordre impérial d'Autriche de la Couronne-de-Fer, que sa majesté impériale et royale apostolique vient de créer, étant un nouvel Ordre dont les statuts et la décoration sont entièrement différents de l'ancien Ordre du même nom ; tous ceux qui n'étaient ni sujets, ni au service de la cour d'Autriche, et qui ayant été décorés, sous le ci-devant gouvernement italien, de l'Ordre de la Couronne-de-Fer, voudront obtenir la permission de l'échanger ( conformément aux statuts ) contre la nouvelle décoration instituée à cet effet, sont tenus de présenter leurs titres aux gouvernements respectifs auxquels ils appartiennent ; et ce n'est qu'après la légitimation de leurs titres, et sur l'intervention desdits gouvernements, que cet échange pourra avoir lieu. Dans cet échange, qui se fera par la chancellerie de l'Ordre, il est interdit à qui que ce soit, de porter les signes, soit de l'ancien Ordre, soit du nouvel Ordre de la Couronne-de-Fer. »
*****
En vertu de l'ordonnance du roi, en date du 28 juillet 1815, toute pétition relative aux Ordres étrangers doit être adressée au grand-chancelier de la Légion d'honneur.
En conséquence, tout sujet de S.M. qui, ayant l'ancien Ordre de la Couronne-de-Fer, désirerait obtenir de l'échanger contre le nouveau, adressera directement à S. Exc. le grand-chancelier, ses titres originaux, pour être examinés et légitimés par lui.
Après cette vérification, il les transmettra, avec son avis motivé, à S. Exc. le ministre des affaires étrangères, en l'invitant à provoquer les mesures nécessaires, pour que ledit échange puisse avoir lieu.
Le maréchal de camp, secrétaire-général, C. Hullot.
Paris, le 20 mars 1816.